mercredi, février 27

[Ce soir...] Rôti de veau au thym, frites de polenta sur purée de câpres et fricassée de bettes à la tomate



L'Homme est décidément une bébête pleine de contrastes et de paradoxes... Si la viande chevaline semble avoir été définitivement mise au rang des produits boudés et bannis des caddies de supermarché, les statistiques de ce blog m'indiquent très clairement que bon nombre de personnes ont effectué dernièrement une recherche sur ladite viande subversive (et précisément sur la manière de la cuisiner !) pour finalement atterrir ici et, plus concrètement, sur mon modeste article consacré à un mémorable rôti cuit à basse température... Le dada remporterait-il donc la palme (ou le sabot) de par sa potentielle dangerosité, tant mise en avant par la presse ? Le consommateur deviendrait-il subitement militant et aurait-il décidé de réfléchir désormais (enfin) par lui-même ?

C'est devant ces questions essentielles et moyennement appétissantes que j'ai voulu moi-même poser mon acte de révolte du mercredi soir... Je dis... Veau ! Aha ! Vous ne vous y attendiez pas... Il faut dire que le petit bovidé se fait résolument oublier avec toutes ces histoires... Car du veau, il n'y en a nulle part, hormis quand le menu le « vaut » bien (avec du bœuf, je n'aurais pas pu la faire...).

Plus sérieusement, le rôti de veau reste une pièce injustement oubliée face à la grosse artillerie bien plus lourde que constitue le rosbif du dimanche (celui qu'est fade, celui qu'est trop cuit, celui qu'est mal coupé, celui... qu'on en a marre !) avec son gros rouge pas délicat pour un sou, même s'il peut évidemment se révéler très savoureux quand il est en de bonnes mains... Quant à notre joli morceau plus pâle et nettement moins gras, il dévoilera tout son potentiel délicat après un marquage à feu vif sur toutes les faces et une cuisson à température relativement basse (pas plus de 130°) à raison d'une heure par kilo. Au préalable, il conviendra de déglacer la poêle ayant servi à colorer la viande, de gratter les sucs et de faire infuser du thym et quelques grains de poivre dans le précieux jus qui viendra arroser le rôti avant son passage au four.

Avec ça, tout est possible, notamment un accompagnement un chouïa méditerranéen : des bettes émincées, blanchies (5 minutes pour les côtes, 3 minutes pour les feuilles), puis sautées dans de l'huile d'olive avec un oignon rouge émincé et relevées d'un bon trait de sauce Worcestershire, avant d'y ajouter de la pulpe de tomate ; le tout mijotera à feu doux pendant un bon quart d'heure.

Tout est possible, dis-je... Pour continuer de tourner l'affreux repas dominical en dérision, pourquoi ne pas oser les frites ? Des frites, certes, mais d'un autre genre... Restons dans le sud, osons la polenta ! Cette semoule de maïs dont la fadeur initiale ou la texture particulière semble rebuter beaucoup de consommateurs hors de la Botte, à en juger par la suprématie écrasante des trois féculents-mastodontes que sont pomme de terre, pâtes et riz (blanc, généralement...).

Or, si la purée préparée à partir de la polenta se révèle relativement insipide si elle n'est pas noyée sous une louche de sauce bien relevée (ce qui la prive définitivement de tout son intérêt potentiel...), il en est tout autre, lorsque l'on prend le temps de mouler ladite purée qui, en refroidissant, deviendra plus compacte et malléable... Galettes, cubes, frites... Il suffit alors d'un bon couteau ou d'un emporte-pièce pour élaborer toutes les formes souhaitées... Après un passage dans une poêle antiadhésive où chauffe (à feu vif) un filet d'huile d'olive, chaque portion de polenta pourra alors être rôtie sur chacune des faces, lesquelles deviendront résolument croustillantes... C'est alors que fleur de sel et piment d'Espelette viendront définitivement métamorphoser cet accompagnement qui n'a, en fin de compte, absolument rien d'étouffe-chrétien (nom de Dieu, que c'est bon !)... Juste posées sur une purée de câpres à l'huile d'olive, ces petites formes aux textures contrastées complèteront à merveille la tendreté du veau et le craquant des bettes.

Voilà de quoi oublier Findus pour un petit moment... car, là-dedans, vous ne trouverez au final que des produits bien sélectionnés et accessoirement toute votre passion.

À vous de goûter !


samedi, février 23

[Ce soir...] Soupe aux carottes et lentilles brunes au curry, salicorne et chips de chorizo



Voilà de quoi flanquer quelques couleurs estivales à nos teints lividement de saison... Potées, stoemps, poêlées... Les possibilités de préparation de la belle racine orangée (ou jaune, voire violette, si vous parvenez à en dénicher) ne manquent pas, c'est un fait ; or, le choix plus restreint de légumes disponibles en cette saison forçant à la monotonie, nos esprits engourdis semblent se lasser assez rapidement de ces petits trésors pourtant déclinables à volonté. Allez comprendre...

Un plat énergétique, par excellence ; c'est là ce que je me suis risqué à mitonner. Après un bon bol, il est très probable que vous serez pris(e) d'un besoin irrépressible soudain de bondir ça et là, peu importe le gris, peu importe le froid... Je vous aurai prévenu.

Quatre carottes de bonne facture, 250 grammes de lentilles brunes, un oignon blanc, deux gousses d'ail, du sel, quelques grains de poivre noir et une cuillère à café bombée (sans jeu de mots) de curry, voilà tout ce dont vous aurez besoin pour préparer une belle marmite de potage qui tient au corps. En pratique, dès que l'oignon émincé aura commencé à frémir, les carottes juste brossées (non épluchées) découpées en rondelles et l'ail écrasé finement émincé seront ajoutés à l'ensemble ; une minute plus tard, les lentilles brunes rejoindront la partie avant que le tout soit recouvert d'un bon litre et demi d'eau déjà tempérée (ce sera moins long ; vous mangerez plus tôt !). Malgré les contre-indications qui lui collent au grain, le sel (pourquoi pas du gros sel iodé ? C'est un poil plus sain, et le petit côté marin sera raccord avec la salicorne ajoutée au dernier moment, si vous le voulez bien) devra être ajouté dans une quantité que vous pourrez juger excessive, mais qui s'avérera bien nécessaire vu le volume à assaisonner.

Après une heure de cuisson au moins à feu doux-moyen et à couvert, tâtez la carotte afin d'en évaluer la fermeté ; si elle cède facilement sous les dents de la fourchette et que les lentilles fondent sous la dent, les jeux sont faits. À coups prolongés de mixer-plongeur, transformez ce riche bouillon en un joli potage bien consistant et homogène ; sur la fin du mixage, ajoutez le curry et les grains de poivre, puis poursuivez.

Enfin, si la seule texture onctueuse de cette soupe ne vous suffit pas, pourquoi ne pas faire sécher quelques rondelles de chorizo à la poêle, lesquelles apporteront croustillance et piquant sans toutefois prendre le dessus, pour autant que vous n'en abusiez pas. Enfin, si audace et curiosité font partie intégrante de votre personnalité, pourquoi ne pas ajouter quelque chose qui tranche, qui contraste nettement par rapport à la saveur douce-relevée du plat ? La salicorne, pousse tendre et charnue d'une plante du même nom que l'on trouve exclusivement sur des sols riches en sel marin, pourra tout à fait jouer ce rôle d'intrus bienvenu. Ajoutée fraiche et crue (finement émincée) ou égouttée de sa saumure (tel que j'ai pu le faire moi-même), elle donnera au potage le coup de fouet frais-acide-iodé qui vous transportera je ne sais où, mais quelque part où l'on est bien, ça c'est certain...

À vous de goûter !

[Ce soir...] D'une bolo l'autre



Vous avez, en théorie, dû en connaître au moins une dans votre vie ; sa dégustation a dû vous laisser un souvenir plus ou moins impérissable... Si les pires suintent le ketchup ou la granularité miracolienne, les fumets des meilleures squatteront sans aucun doute votre zone corticale préfrontale pour une bonne éternité au moins.

Modestie, convivialité, fête, bonne franquette... voilà quelques-uns des qualificatifs usuellement associés à la sauce bolognaise, parure ou garniture idéale des lasagnes, penne, cannelloni, spaghetti et tutti quanti... Saveur, puissance, gourmandise, voilà ce que j'ajouterais personnellement au tableau déjà populaire et convaincant, avec, en sus : plaisir, chaleur et, pourquoi pas, romantisme.

Car une vraie bonne bolo, c'est celle qu'on hésite à partager, qu'on garderait bien pour soi, pour une dégustation à quatre, à deux, voire tout seul, en tête-à-tête avec ce festin élémentaire et fourmillant de goûts. Alors, si vous aussi vous ressentez cet égoïsme spontané, cette subite appétence pour l'autarcie gastronomique, ne vous en voulez surtout pas, c'est que vous êtes dans le bon, que le Graal n'est pas bien loin, si vous ne le détenez pas déjà...

Ma sauce à moi, elle n'est ni supérieure ni plus raffinée qu'une autre... Du bœuf haché bien saisi et épicé ajouté à des légumes et condiments (carotte, céleri, oignon, ail) émincés et sautés à l'huile d'olive, des herbes (basilic, origan, thym, romarin) à gogo, un peu de tomate fraîche ou en conserve (sans en abuser, au risque de rendre la sauce trop liquide et de noyer définitivement la viande pourtant soigneusement apprêtée). À feu très doux, l'ensemble mijote pendant une belle heure et demi, histoire de conjuguer définitivement les nombreuses saveurs de ce petit monde qui frémit à son aise...

Au moment clé, ce costaud ragoût pourra, par exemple, être associé à l'assemblage Syrah-Malbec sud-africain Whale POD (disponible chez Delhaize à +- 9€ la bouteille). Le choix est certes peu habituel pour un tel plat ; mais la finale épicée du breuvage, qui m'a personnellement rappelé un bocal de tranches de poivrons rouges grillés marinées, m'a fait instantanément oublier Chianti, Montepulciano d'Abruzzo et autres soi-disant indétrônables dans cette discipline...

Aussi, mets populaire n'est pas malbouffe, qu'on se le dise... Foie gras, truffe, et j'en passe, ne sont pas les seuls produits qui méritent le respect, tant s'en faut. La succulence peut tout simplement se nicher dans la passion que l'on investit à la préparation d'un repas humblement destiné à faire saliver, sinon les clientèles de quatre étoiles, en tout cas les familles, les couples et autres gourmets authentiques. Alors, même si ce plat ne ressemble qu'à vos propres envies, sans que celles-ci ne se conforment absolument aux éléments de la recette ancestrale italienne, mordez-y donc à pleines dents sans trop méditer ; n'allez pas vous gâcher l'appétit !

À vous de goûter !

jeudi, février 21

[Papilles aux aguets] Le salsifis



J'en vois déjà qui font la moue... N'ayez crainte, le goût y est ! Et pour ceux qui ne seraient toujours pas convaincus, ne vous gênez donc pas, l'ami Findus vous tend les sabots, le crin et toute la carcasse...

Vous restez ? Tant mieux. Les légumes racines... Vaste sujet, d'autant plus si, à force d'amalgame, on y associe les tubercules, ainsi que d'autres légumes oubliés qui poussent pourtant indiscutablement en surface. Or, si charmantes carottes, beaux navets, topinambours et panais un poil plus rustiques ont déjà séduit bon nombre d'acheteurs curieux et/ou gourmets, en est-il beaucoup qui ont déjà eu l'audace - que dis-je ! - la hardiesse, de se diriger vers ces emballages ternes, opaques de terre et dépourvus des belles images miam-miam qui ornent, en toute supercherie, les plus subjugants plats préparés.

Vainqueur, conquérant d'un achat qui change, Monsieur Lambda regagne son petit chez lui, avec un poil d'appréhension malgré tout... Quel est donc cet étrange légume sombre, souillé du plancher des vaches et dont les quelques représentants réunis n'ont ni la même taille, ni la même forme, ni le même diamètre... Une chose aussi moche et curieuse peut-elle avoir un goût, une saveur ? Vais-je être malade ? Mourir dans d'aberrantes souffrances ? Toutes ces questions sont légitimes, Monsieur Lambda...

Fermez donc les yeux ; écarquillez juste un fifrelin les paupières pour brosser et nettoyer un peu la surface des fermes tubercules sous un fin filet d'eau. Un éplucheur économe vous permettra ensuite d'en découvrir la jolie chair blanche et laiteuse... La voie est libre, vos yeux y trouveront peut-être maintenant de quoi anticiper une saveur à venir. Sitôt nu, chaque tubercule, après avoir été débité en bâtonnets, devra être plongé dans un récipient d'eau claire citronnée ; veillez-y, sous peine de perdre ce joli blanc rappelant la noble asperge bien enterrée, elle aussi. Après, vous avez le choix, cuisson à l'anglaise ou à la vapeur (je vous conseille toutefois cette dernière pour garantir la préservation des textures).

À présent, Monsieur Lambda, laissez craintes et appréhensions de côté pour vous ragaillardir de créativité... Crème, fromage, tomate, muscade, curry ; en gratin, fris, rôtis... Tout est bon pour croquer le charmant petit bâtonnet délicat. Si vous êtes dans l'impasse, pourquoi ne pas vous en délectez de la manière la plus simple qui soit ? Un poêlage en bonne et due forme dans un filet d'huile d'olive, un peu de persil hâché, un trait de jus de citron, une pincée de sel, du poivre blanc à l'envi... Vous trouverez rarement mieux pour accompagner un bon filet de Skrei norvégien (de saison également !).

Texture fine et délicate, apparence esthétique, goût léger et unique, vertus anti-cancer, contribution au renforcement du système immunitaire, effet positif sur la régulation du mauvais cholestérol... Vous ne regretterez pas de vous être fié à votre curiosité culinaire plutôt qu'à la fainéantise alimentaire du consommateur commun, dont le caddie se mueraient presque en grille de Tetris devant la profusion d'emballages plastiques profilés et autres quadrilatères impeccables soi-disant comestibles.

À vous de goûter !

dimanche, février 17

[Ce soir...] Rosace de boudin blanc sur écrasé de pomme de terre à l'huile d'olive, échalotes et noix braisées déglacées au vinaigre de Xérès, tombée de boskoop au curry et au sirop d'érable



Ayez pitié, ne cherchez pas à établir une quelconque comparaison entre le contenu de cet article et celui du précédent (cf. [Sortie] iCook!)... Vous l'aurez compris, nous sommes dans un tout autre registre. Par ailleurs, si le respect du produit est également mis à l'honneur dans la totalité de mes préparations (j'y tiens !), je ne puis prétendre à la sélection de produits pointue et exigeante d'un restaurant gastronomique.

Boudin blanc, pommes de terre, pommes, noix, échalotes... Des produits de saison relativement abordables et courants qui, associés à quelques condiments et épices précis, peuvent se prêter à toutes sortes de variantes plus ou moins originales. Il s'agit là d'un énième exemple qui prouvera à ceux qui en douteraient encore qu'il est possible de bien manger (d'un point de vue nutritif comme gustatif) à assez peu de frais.

J'ai beau ne pas porter les emporte-pièce dans mon cœur, je dois reconnaître qu'ils peuvent conférer à un plat un soin particulier lui donnant une tout autre dimension... Bien entendu, les saveurs auraient été à peu de choses près identiques si le boudin avait été présenté entier en arc de cercle autour d'une masse de purée, avec une dose de compote de pommes au curry déposée juste à côté... Or, l'adage ne veut-il pas que l'on mange avant tout avec les yeux ? Bien, chef ! Alors, construisons...

Si le boudin peut être braisé entier, l'opération est également envisageable après une étape de découpe préalable. Par ailleurs, la coloration sera même beaucoup plus maîtrisable et précise (la saucisse pâle, de par son indiscipline notoire et avant tout en raison de sa forme cylindrique, ne s'abandonne pas facilement à un snackage en bonne et due forme...). Les rondelles de boudin seront ainsi marquées sur chaque face à feu vif dans une poêle antiadhésive avec ou sans matière grasse (au cas où votre boudin vous semblerait déjà bien gras... et ne le prenez pas pour vous !). Une fois celles-ci bien braisées, il conviendra de les réserver au chaud ; une échalote émincée et quelques cerneaux de noix grossièrement hachés seront alors jetés dans la poêle chaude, aussitôt déglacée au vinaigre de Xérès... Après réduction, l'ensemble constituera un condiment acide-gras-corsé, idéal pour relever ce plat gourmand mais un peu lourdingue, ma foi...

Plutôt qu'une purée banale, pourquoi pas une autre purée banale ? Une qui ressemble comme deux gouttes d'eau à l'originale, si ce n'est que l'absence de beurre et de lait (habituellement indispensables à une onctuosité et à une douceur d'usage) permet d'obtenir une certaine consistance et de préserver assez fidèlement le goût initial de la pomme de terre (à cet égard, préférez une huile d'olive au goût neutre ; la cuillère à soupe que vous ajouterez pour lier l'ensemble passera totalement inaperçue). Ne soyez toutefois pas timide en termes d'épices... Qu'il s'agisse de poivre ou de noix de muscade, ce sont des goûts qui plaisent et que tout un chacun semble rechercher dans toute bonne purée digne de ce nom...

Plus original et rapide qu'une compote ordinaire, la boskoop (citronnée au préalable) juste poêlée, relevée d'un peu de curry jaune (le plus commun possible ; n'allons pas traumatiser les puristes) et arrosée d'une bonne cuillère de sirop d'érable constituera un accompagnement bien plus charmant et esthétique qu'une grosse louche bien compacte des familles... Au dernier moment, quelques cristaux de fleur de sel sur les dés de pommes créeront contraste et surprise (bonne, espérons-le !).

Au niveau de la présentation, je ne vous en dis pas plus... J'ai pensé à celle-ci, vous songerez à une autre qui sera tout aussi réussie, j'en suis persuadé !

À vous de goûter !

[Sortie] iCook!






Mettons un peu en veilleuse nos récepteurs, remettons à leur place cathodes et LED pour en revenir au véritable, aux choses que peuvent encore considérer nos humbles mirettes, toutes seules comme des grandes. Car, si l’objet de cet article n’est résolument pas un réquisitoire musclé contre la « gastro-télé-réalité », il serait peut-être judicieux de reconsidérer le spectacle que nous offrent ces émissions bien ficelées et parées (du prêt-à-gober), ainsi que la lentille incontestablement déformante qu’elles nous imposent. Musique palpitante, précipitation, montage très/trop sélectif, célébrités attrape-mouche, overdose d’humain rôti au projecteur… Tout a été génialement pensé pour happer le plus grand nombre de spectateurs. Néanmoins, je ne voudrais absolument pas tomber dans la critique imbécile et sans nuance de ce type de programmes ; ces gens font leur métier, ne les en blâmons pas : c’est de la télé.

Pourquoi donc plomber d'emblée l’ambiance par un paragraphe moralisateur (si peu…) qui vous inspirera sans doute du déjà-lu ou du eh-ben-t’as-qu’à-pas-regarder !... ? La réponse n’est pas bien compliquée : j'ai souhaité souligner le contraste évident entre les bons et les mauvais côtés de cette nouvelle vague médiatique écrasante et difficilement contrôlable. Car s’il est bien une réaction positive que peut générer cette nouvelle tendance qu'incarne la gastrovision, c’est bien la découverte, l’expérimentation personnelle. Ainsi, si l’on oublie ces histoires irritantes de compétition, de candidats et de récompenses pour se concentrer exclusivement sur les techniques, les produits et les assiettes, l’on peut alors, sans trop exagérer, parler de véritable invitation au voyage ; celle qui incite à goûter, à créer, à composer soi-même, voire à pousser la porte des établissements de chefs susceptibles de vous faire grimper tout là-haut sur le petit nuage de la bonne chère.

Pour ne rien vous cacher, étant moi-même originaire de la cité du Doudou, du singe en fer forgé et de l’homme d’État à nœud-pap’, je n’ai pas hésité longtemps à l’idée de découvrir le petit monde de monsieur Jean-Philippe Watteyne, l’un des candidats de l’émission Top Chef 2013 et avant tout concepteur et maître d’œuvre de l’établissement iCook!, situé en plein cœur du chef-lieu hennuyer. Est-il approche plus authentique pour découvrir un créateur que de le rencontrer sur son terrain de jeu, dans son milieu naturel ? Nous étions quatre (disons trois et demi, la benjamine de notre joyeuse troupe ne totalisant qu’à peine six printemps) impatients de tenter cette nouvelle expérience…

C’est avec simplicité et sympathie que nous avons été accueillis par la compagne du chef dans ce lieu exigu mais plutôt bien pensé et agencé. Aussitôt assis, nous avons reçu l’ensemble des informations relatives aux différentes formules et possibilités ; nous avions le choix entre un menu lunch très alléchant (pour seulement 25 euros !) et le menu Saint-Valentin (55 euros) un peu plus élaboré et original. Bien que nous ne soyons absolument pas venus dans l’optique de vénérer Cupidon, notre choix s’est toutefois porté sur cette dernière formule proposant cinq services avec la sélection de vins proposée par la maison, à raison de 20 euros supplémentaires par personne (on ne mangera pas tous les jours chez iCook! après tout…).

Les enfants en bas âge n’étant pas spécialement friands des associations originales ni des festins à rallonge, le personnel, tant en salle qu’en cuisine a tout mis en œuvre pour que ce moment soit tout aussi plaisant pour notre jeune convive, en lui proposant notamment un plat sur-mesure selon ses goûts et les produits disponibles. Avant notre deuxième entrée, la petite demoiselle a donc eu l’occasion de déguster un suprême de coucou de Malines cuit à basse température, sur un écrasé de pomme de terre, arrosé d’un petit jus corsé, le tout accompagné d’une carotte vapeur et de mini bouquets de brocoli… Autant vous dire que devant la maîtrise des cuissons et la justesse de la présentation, nous salivions d’ores et déjà… À la demande de la principale intéressée, le chef Watteyne a, par ailleurs, accepté de lui apporter un supplément de l’écrasé de pommes de terre et de jus… Aux petits soins, vous dis-je !

Quant à nous, adultes curieux et affamés, nous n’étions pas en reste… Après un tartare de Saint-Jacques très régulier et infiniment tendre parfumé au yuzu, surmonté d’une tuile aux figues sèches, nous goûtions de la raie finement apprêtée (et non étalée bêtement sur l’assiette avec de nombreuses arêtes en prime…) servie avec un délicieux consommé aux crevettes grises très aromatique et quelques légumes de saison… La fraîcheur des produits et l’absence de chichis inutiles nous ont tout autant séduits à la dégustation du suprême de coucou de Malines cuit à basse température accompagné d’une déclinaison variée de légumes racines (carotte jaune, salsifis, topinambour…), quelques lamelles de truffe noire (en aucun cas dominante, ouf !) et un petit jus corsé, celui-là même qui nous avait fait tant envie d'entrée de jeu… 

Après un pré-dessert idéal pour nous rafraîchir les papilles (un granité d’agrumes à la citronnelle posé sur une guimauve au citron vert glacée), le dessert proprement dit est venu ponctuer un menu Saint-Valentin qui a rempli pleinement son contrat en termes de raffinement, de délicatesse et de glamour sans que le mot kitch ne nous soit venu à l’esprit un seul instant… Par ailleurs, il est à noter que ce monsieur Watteyne recèle de bonnes idées pour séduire ses hôtes : un dôme de chocolat contenant une fine ganache, une mousse légère de cerise, quelques cerises entières, ainsi qu’un petit cœur (ben oui, c’est le thème…) extrêmement chocolat, le tout arrosé en dernière minute d’un chocolat chaud perçant peu à peu la coque supérieure du dôme afin d'en dévoiler le contenu, à la manière d’un rideau de théâtre… Vous comprendrez aisément que nous avons été définitivement conquis par ce moment que je qualifierais de mémorable… Ajoutez à cela une sélection de vins précise et adéquate, et vous obtenez un bel exemple d’une cuisine authentique qui veille tant au respect des produits qu’à celui des dégusteurs…

En bref, nous ignorons tous, Monsieur Watteyne, si vous avez remporté le concours Top Chef 2013… Nous vous le souhaitons, certes ; mais ce que nous espérons avant toute chose, c’est que vous continuerez d’exercer avec toujours autant de passion et de fraicheur votre noble besogne d’artisan du goût.

À vous de goûter !

mardi, février 12

[Ce soir...] Vitelottes sautées et coulis de persil citronné aux anchois



C'est un plat léger ou un accompagnement consistant, en lieu et place d'un véritable plat de résistance, que je vous propose ce soir. Je tâcherai donc d'être bref (pour vous laisser le temps d'imaginer le reste de l'assiette, par exemple).

La vitelotte, petite cachotière ! Elle, que l'on croit identique à sa cousine plus pâle et commune avec juste le supplément de fard qu'il faut pour mieux paraître dans les assiettes des meilleurs X étoiles...

Ouf ! Son honneur est sauf ! En effet, outre cette couleur insolite, elle jouit également de la belle proportion d'antioxydants qui va avec ; sans compter une texture plus consistante et douce assez plaisante et régulière, ainsi qu'un goût assez particulier qui n'est pas sans rappeler celui du cacao.

Pour la mitonner, rien de plus simple ; elle se prête à beaucoup de préparations différentes que sont purées, chips, gratins ou simplement sautées. C'est d'ailleurs cette dernière méthode simplissime que j'ai décidé de mettre en œuvre afin de profiter au maximum du produit et de ses qualités sans trop le transformer. Un bon filet d'huile d'olive dans une poêle antiadhésive, un feu assez vif, et les vitelottes (non épluchées) en rondelles rôtiront pendant dix bonnes minutes sur chaque face ; en fin de cuisson, les recouvrir permettra de les cuire correctement à cœur.

Le mauve est une chose, le vert en est une autre... Cette préparation simplissime m'a permis de songer à un petit assaisonnement test tout aussi aisé à confectionner. Un demi bouquet de persil blanchi à l'eau bouillante, deux anchois roulés au câpres, une cuillère à soupe de jus de citron, une cuillère à soupe d'huile d'olive... et le robot-mixer vous donnera un joli coulis vert parfumé et corsé qui relèvera un chouïa la tendre vitelotte juste colorée.

Pour terminer, je dois vous avouer que la présentation (un peu torchée, je vous l'accorde...) n'a était conservée que le temps de la photo ; car, aussitôt mon appareil éteint, c'est une belle poignée de vitelottes nappées de coulis vert que j'ai versée sans manière dans mon assiette... Ou quand la gourmandise dévore l'esthétique.

À vous de goûter !

lundi, février 11

[Ce soir...] Paella zélandaise



Eh bien, je ne pense pas me tromper en disant que nous sommes assez nombreux à céder chaque année à la tentation du mollusque, à l'appel du coquillage... oui, vous, qui êtes présentement en train de lire ce paragraphe ô combien instructif, vous avez sans aucun doute déjà succombé maintes fois et mitonné de ces casseroles aussi bouillantes que volumineuses, à vous en faire craquer le duodénum...

Or, après l'euphorie, si les coquilles viennent fatalement gonfler le sac poubelle, il arrive bien souvent que les légumes et condiments du bouillon suivent le même trajet et que le bouillon lui-même (précieux fluide que personnellement je déguste à la cuillère...) file sans scrupule dans le trou béant et sans pitié des éviers de cuisine...

Ne gâchons donc pas ces belles substances déjà apprêtées... S'il vous reste quelques moules, c'est encore mieux ! Si vous n'avez pas préparé vos moules au roquefort ou à la moutarde (dans ce cas, ce qui suit risque de ne vous être d'aucune utilité pour cette fois, hélas...), les légumes (oignons, céleri, ail, carottes...) seront égouttés et émincés finement avant d'être poêlés à l'huile d'olive pour en extraire le trop plein d'humidité. Quand ça chantonne bien sonorement, on ajoute le riz pour paella qui donnera son tour de chant également. Une fois le tout bien rissolé, un bon bol du bouillon des moules viendra recouvrir le riz qui cuira au moins un bon quart d'heure à feu doux/moyen, le temps que le liquide soit presque totalement absorbé. Cinq minutes avant de servir, déposez vos mytiloïdes rescapées de la veille pour simplement les réchauffer.

Si tout va bien et si vous avez eu le bon goût de corser suffisamment le bouillon à la base, il ne sera presque pas nécessaire de réassaisonner. Néanmoins, safran ou piment ne seront pas malvenus, tout comme les petits pois, thon émietté, calmars et autres tout droits issus de vos caboches qui salivent en dedans ; on appellera ça « optimiser la récup' » ou « se rerégaler ».

À vous de goûter !

(Aux éventuelles mauvaises langues néanmoins très attentives : j'ai bien conscience que cet article flaire bon la redite [cf. mon article [Ce soir...] Comme une paella] ; je ne pourrai que vous reprocher de ne pas être suffisamment attentifs et de ne pas avoir détecté les différences monumentales, que dis-je ! éléphantesques, entre les modus operandi des deux recettes... Alors, si vous êtes de ces personnes, eh bien pfff, vous me décevez !)

samedi, février 2

[Ce soir...] Bœuf miroton



« Un pot-au-feu ne meurt jamais. » Certes, il pourrait s’agit là du pastiche à moitié raté du titre d’une aventure d’un célèbre agent secret britannique ; mais nous ne sommes pas dans le même spectacle, dans le même étalage, dans la même… magnétisation.  Aussi, ce proverbe tout juste bricolé se veut souligner le traumatisme positif systématique provoqué par l’abondance des fumets et saveurs, ainsi que par la longévité opiniâtre et bienveillante de ce beau plat unique, lequel ne se laisse pas gober tout entier dès le premier service (non mais !).

Vous connaissez certainement la petite série de plats classiques dérivés du pot-au-feu : LE pot-au-feu proprement dit (sur un plateau, les morceaux de viande trônent au cœur d’une ribambelle de légumes, avec éventuellement une belle sauce ravigote pour sublimer le tout), le bouillon (à boire bien chaud le soir, avec pourquoi pas quelques légumes en rab), le vol-au-vent (préparé avec le bouillon et des morceaux de volaille, lorsque le pot-au-feu initial en contient) et éventuellement une salade froide de viande de bœuf bouillie pour tâcher de récupérer ce beau produit.

Moi, je dis : halte au dépit, au pis-aller, à la solution par défaut… Trop de personnes ont tendance à oublier un autre classique des classiques (d’ailleurs tellement classique qu’il est passé aux oubliettes…), savoureux  dont la préparation est infiniment enfantine et qui permet de rendre grâce à cette charmante viande rouge restée sur le carreau… J’ai nommé : le bœuf miroton ! Gourmand, parfumé, canaille… voilà l’apothéose, le point final idéal de la saga pot-au-feu…

  
J’ai dit enfantin ? Voyez vous-même : une portion de viande de bœuf bouillie, quelques morceaux de carottes rescapés du bouillon, un oignon émincé, un bol de bouillon issu tout droit du pot-au-feu, une conserve de chair de tomates, un verre de vin blanc (un Touraine, pour ma part), quelques petits cornichons au vinaigre, un petit bol de farine (blé ou maïs), deux cuillères à soupe d’estragon haché (une envie personnelle), du sel, du poivre…

Rien de bien sorcier à dénicher, en somme, et la préparation du plat est à l’image de la simplicité de ses constituants… Quelques découpes (les oignons, les cornichons et les carottes seront émincés) et puis un assemblage relativement basique (les oignons revenus dans un peu de matière grasse seront saupoudrés de farine avant que les liquides – vin blanc et bouillon – viennent donner le départ officiel du montage de la belle substance savoureuse ; tomates, carottes et cornichons viendront alors conclure cette belle histoire) vous garantiront une sauce relevée et nappante à souhait, laquelle viendra enrober vos lamelles de bœuf déjà alignées dans un plat. Vous êtes maintenant à deux doigts du festin, du climax œsophagien… Une dizaine de minutes dans un four préchauffé à 180° amèneront le miroton aux bouillonnements synonymes de faim imminente. Riz, pommes de terre vapeur, frites, pain… tout accompagnement vous paraîtra superflu, mais ne perdez pas de vue qu’il s’agira d’autant d’outils précieux qui vous permettront de ne pas perdre une goutte de votre louche de bonheur.

Naturellement, puisqu’il y a pratiquement autant de recettes de miroton que d’amateurs de miroton, pourquoi ne pas, vous-même, jouer la carte de l’audace et ajouter votre patte, votre grain de folie (et non votre patte folle...) pour rendre un hommage personnel à la belle tradition. Sans toucher aux élémentaires et indispensables,  j’ai, pour ma part, eu envie d’ajouter de l’estragon haché à la sauce et du piment d’Espelette juste avant le passage au four… Bien, c’est à vous de jouer maintenant, alors…

À vous de goûter !