Certains soirs ont tout de l'évasion, de l'exil loin du commun, à mille lieues des humeurs et rumeurs gristounettes. Éloignés, mais pas si lointains ; dépaysés, mais pas déphasés... Certains « hors du temps » font royalement fi du kilométrage. C'est au cœur de l'Ardenne belge que nous fîmes halte un soir, au beau milieu d'un long week-end au vert.
Ici, on joue de poésie, d'audace et de maîtrise, à la fois : un décor mat et rectiligne moderne intègre des lustres de style ancien, ainsi que quelques pièces beaucoup plus locales, à l'image de quelques vrais faux tableaux de chasse vraisemblablement faits de bois laqué blanc. La salle est grande, très grande même, mais il y règne néanmoins cette impression de chaleur véritable, que l'on associerait davantage à des confinements cosy usuels de petits établissements feutrés pour amoureux transis.
Le service est à l'image du lieu : une certaine élégance vient parfaire une décontraction agréable de bon aloi. Un smart sympathique et amène vous invite au bien-être. De commun accord, nous décidâmes en binôme d'opter pour le menu « surprise », lequel allait nous permettre (à ma compagne à la fourchette comme à la ville, comme à moi-même) de découvrir toute la fantaisie créatrice du jeune chef, David Heine.
Huit rounds de délices pour un knock-out orgasmique : deux mises en bouche explosives, trois entrées épatantes, un plat succulent, un dessert désinvoltement prodigieux et des mignardises ubergourmandes.
Certains événements historiques font date. Or, de ce 2 mai 2014, nous garderons notamment le souvenir d'un tartare de bœuf et de crabe des neiges à couper le souffle, le sifflet et tout le reste ; de même, nous nous rappellerons le succulent ris de veau poêlé tendre et savoureux à souhait, son petit jus corsé à l'estragon, le tout accompagné d'une asperge blanche iconoclastement panée au jambon ganda (une gambette du petit Jésus en culotte de crin, vous dis-je !) ; nous nous remémorerons également avec beaucoup de solennité ce pigeonneau cuit à la perfection (suprême et cuisse), cette guirlande de couleurs constituée de quelques légumes de saison aux teintes savamment conservées ; nous nous souviendrons avec moult salive de ce parcours inédit et protéiforme de douceur acidulée autour de la fraise et de la rhubarbe...
Le « plus » incontestable de la Fleur de Thym ? Une fractalité bien inspirée : un tout magnifique, constitué d'associations inédites de compositions audacieuses, à partir de produits d'une ahurissante qualité.
D'une habileté virtuose.
À vous de goûter !