Nous venions de quitter la ville, fourbus et barbouillifiés par une pluie battante, des marrons dégringolant sans retenue ni bogues et des crêpes géantes mal placées glanées au détour d'une fête de saison incongrue.
Aussi, nous tournions le dos aux vestiges et amoncèlements de roches pour qui notre mini baguenaude d'une heure et demi ne fut pas plus marquante que le rikiki titillement d'une demi-fiante modeste d'un ptérosaure étourdi d'une autre époque. Un anticlinal proscrivant, de par sa majesté, tout repos mécanique de nos deux fois deux vigies naïves et ébahies.
Cap sur... pas très loin. Quelques tours de pneus, et nous voilà perchés à bon port. Le bâtiment en impose, mais il ne sera pas le seul acteur à pouvoir se targuer de nous avoir mis babas de grandeur.
Nous pénétrons tôt, nous pénétrons mieux... (Non, mais, je vous en prie !...) ; l'accès, de fait, est plus aisé à l'heure des vieux... (M'enfin !)
Accueil franc et sincère, escorte aimable jusqu'à notre lieu de gourmandise assise ; sourire aux mises en bouche. Resto Days : un menu spécial allait nous priver de l'embarras du choix. Bien nichés au cœur d'une atmosphère épurée, claire et nette, bien dans l'air du temps, nous recevons tour à tour : délicatissime œuf 65° et son lardo di colonnata de juteux amant, magret de canard sublimé et son accompagnement imparable mais sans risque (gentillette déclinaison de légumes du moment) et assiette tout chocolat, dont même une microcuscule framboisette fébrile d'arrière-saison n'est même pas venue en chatouiller l'intitulé.
Droit dans le mille, en somme. Pas d'incartade, de chemin de traverse, de hors piste. De l'excellence sans décoiffade. Même les très goûteux mini-croques ardennais et mousses aux aromates ponctuées de tartare de saumon ultrafrais n'ont pas eu la fougue chafouine nécessaire à la voltige de ma mèche très virtuelle pourtant moins gominée que jamais.
Mais maîtrise tranquille ne signifie pas déception, attention ! Mon monde pour un jus rudimentaire dont les sucs me mettront à terre ; ma haine pour les espumas trop fiers et les molles vanités moléculaires.
Si infâmie il y eut, elle ne dut en aucun cas être imputée ni à l'équipe en coulisse ni au personnel de salle. Soyons honnête et flegmatique : en dépit de son titre, le chef n'est absolument pas responsable des grappes d'abjections acoustiques, dégobillées entre la foire et le ravage, aux quatre coins du lieu devenu troquet limbourgeois pour l'occasion, garnis de préretraités bouffis de deniers, d'orgueil, de manque de savoir-vivre et du reste.
Non, rien d'autre que ce défilé d'intrépides quasi-en-short à la chaîne n'aurait pu mieux ternir ce très agréable repas en tête-à-tête par une tranquille soirée d'automne.