De l’eau, du sang, de la sueur, des larmes, du pinard, de la
bibine, de la gnole et j’en passe ont coulé sous les ponts (ces enjambées massives
déposées nonchalamment sur mes derniers mois, et qui n’ont eu de cesse de m’engourdir
non pas les tressautements créatifs de ma petite carcasse blanchâtre, mais bien
les velléités exhibitionnistes desquelles je me rends gaillardement de nouveau coupable, en
vers et contre vous, mes chers et fidèles détracteurs détraqués) depuis que je ne me suis plus pourléchamment épanché
sur une énième expérience mary-shelleysque réalisée à quatre mains cette
fois-ci et avec le concours de quelques ingrédients succupuleusement
sélectionnés.
Qu’avons-nous donc commis de concert (à défaut de commis de
cuisine) en ce samedi 22 août de l’an de (dis)grâce 2015 par une soirée estivalement
indescriptible (ben oui, on était à l’intérieur, nous, comment auriez-vous
voulu qu’on sache ?!) où les beuglements pseudo-civilisés de l’extérieur ne
nous atteignaient plus qu’avec peine, tant nous avions érigé nos habituelles
murailles d’indifférence expérimentée ?
Je vous le dis Tourette et sans insulte auCUne, rien ne nous
haBITE plus que la fantaisie et la volonté de nous exprimer à nous-mêmes (et
tant pis pour les autres !) au travers d’ébauches de sagesse fanfaronnes
qui fait bobo la routine. Rien de bien sérieux donc au programme, juste une
mêlée d’idées diablement entichées l’une de l’autre… !
Sur la cène, nous avons : quelques noix de
Saint-Jacques (disons quatre ou cinq par
personne), des bulbes de fenouil (comptons un pour deux s’ils sont gros ou un
par personne dans le cas contraire) dont vous n’ôterez que la base (pas d’émasculation
excessive, non mais !), une tranche de pain sec (rassis diront les moins tolérants),
10 cl de lait, 1 œuf (pour 2 petits fenouils), une bonne poignée de pecorino
râpé, du sel, du poivre, un godet de vin blanc, une larme de vinaigre, une
échalote, du paprika et moult beurre (car comme dirait mon cousin germain :
« Y faut baratter ta recette, mein Freund ! »).
Du classique naît l’hérésie. Un certain Pablo du Pinceau,
virtuose dans l’art des bouillons-cubes n’avait-il pas proféré un jour qu’il
fallait maîtriser les règles pour mieux les transgresser ?! Je vous le
demande…
Ici, les règles sont simples : une cuisson vapeur des
demi-bulbes de fenouil dont l’intérieur sera ensuite soigneusement prélevé et
mixé avec l’œuf, la tranche de pain trempée dans le lait, le lait résiduel, du
sel, du poivre ; la mixture sera ensuite replacée dans les demi-bulbes
creusés. Quelques pincées de pecorino râpé par bulbe farci et on enfourne à
180° pendant un petit quart d’heure.
À présent, on ricane
moins, on décroise les paluches ; va falloir se la jouer Vishnou toqué et
réaliser trois préparations minutes en moins de temps qu’il n’en faut pour zapper
sciemment quelque émission socio-culturelle de chaîne privée de fin d’après-midi
diffusée quelque part entre le bain du petit et les nouilles trop cuites. Tout
d’abord, lancer un beurre blanc : émulsion chaude instable par excellence,
il s’agit d’incorporer rapidement du beurre froid découpé en cubes à une
réduction de vinaigre blanc et de vin blanc (comptez 1/4-3/4) ponctuée d’une
échalote hachée (préalablement suée au beurre, dans notre cas) et de poivre
moulu. Une fois la sauce montée au fouet, ajoutons-y une petite cuillère à café de
paprika et les pluches de fenouil hachées menu. Et comme rien ne se perd, la
deuxième de ces préparations consiste en la cuisson à l’huile d’olive des tiges
des fenouils découpées en rondelles, assaisonnées d’une pincée de sel. Enfin,
dernier geste des plus académiques, la cuisson reine des Saint-Jacques :
un passage d’une minute sur chaque face dans un beurre noisette très chaud afin d’obtenir une coloration idéale et une
concentration en goût maximale, tout en conservant une tendreté suffisante et une
belle couleur nacrée des chairs.
Après, comme toujours, il faut présenter la chose. Nous, on
a visé le classique : la sauce ne dévalant toutefois pas trop loin des
demi-fenouils, avec lesquels elle fera de belles et joyeuses secondes noces,
sans pour autant vexer la Saint-Jacques, déjà succulente en elle-même, animée
de quelques rondelles de tiges de fenouil sautées et légèrement amères.
Et puis, arrosez cela comme il se doit : un bourgogne blanc
de caractère (un chablis qui se respecte, un givry de bonne facture…), un
riesling d’outre-Rhin bien aromatique…
À vous de goûter !