Et au détour d'un rayon, vous découvrez l'inattendu, l'insolite... Par-delà poivrons éculés, carottes surusitées, bettes usées jusqu'à la carde, vous voyez cette petite barquette pas bien redoutable en soi, mais dont le contenu pourrait laisser pantois.
Drôles de choses que ces fèves géantes et rebondies, parfaitement blanches et relativement onéreuses (comptez une dizaine d'euros le kilo, soit cinq euros pour ladite barquette de 500 grammes). Par habitude, le haricot traditionnel vendu sec en déroutera plus d'un de par les longs processus (trempage et cuisson parfois double) nécessaires à l'obtention d'une graine fondante et goûteuse à souhait.
Ici, la taille (tout de même trois à quatre centimètres de hauteur pour une fève) ne devra pas vous effrayer ; vous vous trouvez devant un produit frais, ce qui implique l'inutilité d'un trempage et une cuisson « normale » pour des légumes qui restent néanmoins des durs à cuire (une petite heure à feu moyen ne sera pas du luxe). Par ailleurs, épices et artifices excessifs pourront sagement rester au vestiaire : si vous aimez le goût subtil et réconfortant du haricot blanc classique, il y a de grandes chances pour que vous fondiez à votre tour. Aussi, de l'échalote hachée sautée dans une matière grasse de votre choix sera l'allié discret idéal de la noble légumineuse. Sautés quelques instants avec ce condiment parfumé, les Soissons n'attendront plus que de l'eau et du sel pour commencer à se déployer.
Pendant ce temps, nous aurons pris soin de lancer la préparation d'un bouillon corsé composé d'une carotte coupée en deux, d'un piment d’Espelette coupé en deux également (ne surtout pas ôter les graines qui recèlent tout le potentiel piquant et aromatique du piment), d'une feuille de laurier, d'une branche de thym, d'une branche de romarin, de gros sel et, surtout, de quelques tronçons de queue de veau bien fraîche.
En grande théorie (et selon la taille des morceaux de queue), la petite bombe aromatique susmentionnée aura brandi toute sa succulence environ un bon quart d'heure avant que les Soissons n'arrivent à juste tendreté. Aucune précipitation ne sera donc de mise pour constituer un « burger » savoureux et inédit qui devrait rendre grâce à son support riche et crémeux, sans toutefois lui faire d'ombre. De nouveau, rien de réellement sino-sorcier : la queue de veau cuite au bouillon se décortique plus ou moins comme un jarret de veau classique de pot-au-feu : on contourne l'os, on ôte l'excès de gras et on réserve les fragments de viande tendre à souhait.
Grâce à ce mode de cuisson très humide, aucun ajout de liant ne sera nécessaire : dans un emporte-pièce circulaire, il suffira de tasser la viande afin d'apporter une première cohésion à l'ensemble. Ensuite, sans ôter le cercle, il s'agira de cristalliser ce petit monde. Pour cette étape, je vous laisse le choix des armes, mais un caramel maison constitué d'une matière grasse (beurre, mycryo) et de sirop d'érable (comptons 1/3 matière grasse - 2/3 sirop) ajoutera quelques notes de contraste à ce tableau savoureusement débridé. On ajoutera le sirop d'érable à la matière grasse fondue avant de laisser réduire l'ensemble. Seul geste délicat et périlleux de la recette : déposer le burger encore cerclé dans la poêle contenant le caramel chaud sans que la viande ne mette prématurément les voiles...
Au bout du compte, vous devriez obtenir une croute ambrée et brillante à la base du burger ; libre à vous d'exploiter un peu plus ce caramel parfumé en en ajoutant quelques gouttes par-dessus la viande ; au point où nous en sommes, tout est permis.
Quelques coups de mixeur-plongeur plus loin, vous obtenez votre base costaude et addictive, par-dessus laquelle vous n'aurez qu'à déposer le montage tendre et croustillant à la fois.
Ce plat est un jeu. Ce plat est un délire. Ce plat est un oubli. Oubli des règles. Oubli des codes. Oubli des conventions. Oubli de soi.
Partagez, si vous le pouvez.
À vous de goûter !
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