mercredi, janvier 29

[Ce soir...] Paupiettes de chou vert au poulet, vinaigrette tahini-citron


La froid prospère, le noir s'éternise, les virus sévissent et les sens en pâtissent... Nos fosses nasales, imperceptibles en temps normal, nous semblent peser le poids d'un monde terne, gris et morose, un monde duquel l'odorat se serait fait la malle.

Barricadons, clôturons, bastionnons, donc ! Car, même s'il est évident que la logique physiologique l'emportera, il ne coûte rien de s'adonner à un pied-de-nez (déjà bien bouché) envers cette saison « minable » (au sens où elle mine le moral ; je précise).

Aussi, pourquoi ne prévoiriez-vous pas l'un de ces petits moments sociaux où vous pourriez laisser libre cours à votre nature altruiste et généreuse en partageant une sympathique assiette pensée avec le cœur et fignolée de vos miasmes ? Je vous le demande. Naturellement, il vous serait tout aussi permis d'envisager le postulat postillonnant de l'égoïste rétention d'exhalaisons exceptionnelles et personnelles dont vous gardez l'unique secret de fabrication, à votre corps défendant...

Bien, maintenant que nous nous sommes mis en appétit, voici l'objet du crime (de malaise majesté ou de la vôtre, je partage) : une paupiette, dis-je, mais une paupiette qui change, une paupiette un peu exotique et une paupiette saine ! (Pari tenu : placer au minimum cinq fois le mot « paupiette » dans l'article ; eh oui, le titre compte !)

Du saisonnier à la carte : de belles feuilles de chou vert blanchies dans de l'eau bouillante pendant 2-3 minutes (garde donc le cœur pour une soupe, vil pétomane !), une grosse carotte des familles détaillée en brunoise, un oignon émincé, deux filets de poulet et quelques ajouts aromatiques de votre choix : noix de muscade, piment d'Espelette, curcuma... Tout sera bon dans le baluchon. Vous confectionnerez la farce en toute facilité éléctroménagère : une bonne moulinette et les filets de poulet coupés en cubes baisseront bien vite la garde ; y auront été ajoutés au préalable : un œuf entier, quelques sommités de persil frisé, du gros sel et les épices de votre choix. On y intègre enfin carotte et oignon et on est bon ! Il ne reste plus maintenant qu'à refermer les feuilles de chou blanchies autour de ce bel appareil. Technique du portefeuille, messieurs, dames : votre feuille de chou, vous lui roulez la bosse (ou la côte, de son petit nom de cueillette) vers son extrémité distale ; la farce étant humide et amalgamée par l’œuf, vous n'aurez, en principe, aucune difficulté pour refermer les côtés en les pliant et en les enfonçant vers la farce. Vous obtenez des petits pochons rectangulaires ou ovales ? Bien joué ! La farce est ressortie de partout et vous avez déchiré votre feuille de chou ? Pas d'inquiétude : hurlez et/ou pleurez, puis recommencez !

Idéalement vous cuirez ceci dans un panier vapeur ; si vous optez pour une cuisson à l'eau, veillez à ficeler chaque pièce. Pendant que tout ce petit monde se détend au gré des gouttes brûlantes, vous fouetterez deux cuillères à café de tahini (la fameuse pâte de sésame, reine de l'houmous libanais ; herself) avec deux cuillères à soupe d'huile d'olive et un filet de jus de citron ; une goutte de tamari, un pincée de piment de Cayenne, et voilà une vinaigrette qu'elle est bonne. Toute prête à napper nos petits chaussons...

Bon, il me semble que je n'ai rien oublié (et aussi que j'ai épuisé tous les synonymes valables de « paupiette »...) ; je vous en laisse à vos bonnes tambouilles à croquer.

À vous de goûter !

mercredi, janvier 22

[Ce soir...] Oeuf à la coque, mouillettes de céleri rave au piment d'Espelette



Ceci n'est pas un petit-déj.

Cocorico ? Non, pas vraiment. Ceci se mange en milieu de journée, voire bien plus tard... Quand les dindes baissent le goitre, pas loin des poules sur un mur, qui sirotent du bromure. Cocasse (Oups, un de moins pour l'omelette) situation que voilà ! À l'heure où les œufs miroir s'étalent et où les crèmes brûlées tâtent des feux de la rampe, v'là-t'y pas qu'un frileux freluquet viendrait ramener sa coquille ?!

Et comment, mon coco ! Et il vient pas seul, il est armé, plus d'un germe dans la membrane ! Armé jusqu'au bec virtuel : des bâtonnets croustillants à l'extérieur et moelleux à l'intérieur qu'on les dirait sautés à la poêle dans une matière grasse bien chaude, et sur toutes les faces ! Et puis ils sont mouchetés de rouge... Goût relevé sans excès, parfum de soleil : piment d'Espelette, ma poulette !

Bon, frugalité de poussin au placard : on s'en reprendra bien un petit deuxième, juste pour les finir, ces bonnes mouillettes...

À vous de goûter !

dimanche, janvier 19

[Rond de carotte] Salade de chou-rave râpé, rollmops, brunoise d'oignon rouge et mâche



Ceci est un article militant.

Non.

Non à la conserve douteuse au contenu gluant chimiquement colorisé excrété à la chaîne.
Non à la quiche industrielle déjà trop cuite que l'on flanque au four pour la surcuire davantage.
Non à la brique de soupe aux légumes sans légumes très sucrée, bien trop salée.
Non au cheese-burger grassouillet et cartilagineux réduit à cellulite de chagrin par les micro-ondes.
Non au croque-monsieur noirci par négligence dominicale et dont le fromage carbonisé plombe estomac et moral (précisément au moment de la vaisselle ; Kärcher obligatoire).

Non !

Le chou-rave n'a du chou que le nom ; sa forme bulbeuse ne fait pas de lui un navet. Il est frais, juteux, tendre et croquant à la fois, très doux, délicat en termes de saveur et très peu cher. Quelques végétaux de saison en sus (mâche, oignon rouge), un micro-chouïa d'animal (un rollmops émincé), une touche de gras (huile d'olive extra-vierge), du sel et du poivre du moulin... Citronnez-le, si vous voulez. Un gueuleton tranquille : digeste, sain, sans trop de vaisselle et sans cuisson ! 

In green we trust !

Ceci était un article militant.

À vous de goûter !

samedi, janvier 18

[Ce soir...] Filet de bar cuit sur peau, purée de persil tubéreux à l'huile de noisette et petit jus tomaté « rien ne se perd »




Qui n'a pas, un jour ou l'autre, après avoir saliveusement scruté l'assiette du voisin sur laquelle s'étendaient avec assez bien de superbe et de grâce grasse et gracile quelques sections carnées bien lustrées et saucées ; qui n'a donc jamais, dis-je, été déçu de son propre choix délibéré portant sur l'un ou l'autre délicat produit de nos mers ou de nos rivières, pourtant tout aussi prometteur sur papier... Vous voulez des coupables ? Vilipendez donc les vilains accompagnements standard.

La patate vapeur et l'endive étuvée, certes, ça cultive un temps le charme de l'épure, du délicat, du sain ; mais le goût traîne l'arête ; et le gras de l'entrecôte limitrophe de ricaner de plus belle... Alors lançons-nous, car, à moins de choisir le poisson le plus blanc et le plus délicat qui soit, il n'est pas défendu de viser des acolytes plus musclés qui pourront faire d'un plat dit « de santé », un mets gourmandissime avant tout.

Dans le monde merveilleux des légumes racines vit un végétal aux teintes beiges discrètes, à la forme conique très semblable au panais et aux nervures bien marquées de la carotte commune : le persil tubéreux. Cet aliment à la chair ferme et blanche, quoique peu attractif à l’œil, se muera en une base des plus consistantes et des plus parfumées si, après l'avoir épluché, découpé en morceaux de taille moyenne et cuit à la vapeur, de l'huile de l'olive, un trait d'huile de noisette, une larme de vinaigre blanc, du sel et du poivre blanc lui sont ajoutés, avant que l'ensemble puisse être réduit en purée et homogénéisé grâce à la déesse moulinette.

Cette cuisson à la vapeur nous laissera plus que largement le temps de taillader menu notre petite victime à branchies afin d'en lever les filets. Outre le bonheur associé au « do-it-yourself » (tellement en vogue que presque irritant), la véritable plus-value sera résolument matérielle. Comment ? Vous ne comptiez quand même pas jeter cette tête et ces arêtes archibourrées de saveurs en devenir ?! Ces « déchets » (des doubles guillemets seraient presque nécessaires) seront la base même de la saveur la plus prononcée du plat : le sacrosaint jus.

L'opération n'a vraiment rien de redoutable, qui plus est. On découpe le tout grossièrement, on faire suer une garniture à base d'échalote hachée et de carotte émincée, on ajoute les parures du bar, on laisse suer de nouveau, on déglace au tamari (sauce 100 % soja, pour rappel), on ajoute un peu d'eau sans couvrir tout à fait les éléments, on laisse infuser à couvert, on filtre, on fait réduire, quelques larmichettes de coulis de tomate et un trait de crème pour adoucir au besoin, du sel, du poivre noir du moulin, et on obtient un jus bien corsé et parfumé à côté duquel un onglet à l'échalote même balèze ferait pure figuration ridicule.

L'assiette terminée, saucée, pourléchée, il nous vient alors ce sentiment de réconfort, de bien-être et de pitance bien menée que l'on ressent, hélas, bien trop rarement avec ces produits nobles à écailles.

À vous de goûter !


dimanche, janvier 5

[Ce soir...] Coquelet et légumes jaunes, cuisson au tajine

Il y a le dernier jour d'un congé de deux semaines. Vingt-quart heures dans lesquels il faudrait faire entrer tout ce que l'on n'a pas pu/voulu faire au cours des treize jours précédents. Un cours laps de temps finalement, au cours duquel la conscience se livre bataille : demain est maudit plein pot, mais quelques jours de plus, ça ferait trop long... On passerait la journée à se sermonner à s'obliger de profiter, jusqu'au crépuscule où l'on remarquerait avec effroi que cette journée fut sans doute la pire de toutes... On attend, on attend : ouf, enfin la fin/mince, ça recommence...


 




Il y a le dernier jour d'un congé de deux semaines. Le marché matinal habituel où l'on côtoie avec le sourire ses fournisseurs habituels, où l'on repart vainqueur, la glaneuse pleine de produits frais et de qualité. Une matinée que l'on tire en longueur au gré d'une balade tranquille et d'un petit-déjeuner tardif, au moment précis où quelques rayons timides atterrissent non loin du mug et de la théière bien chaude. On passe ensuite une heure ou deux à préparer la suite. Déjà l'odeur terreuse et ferreuse des pommes de terre grenaille et des navets boule d'or s'évade du panier. S'enchaînent coquelet jaune coupé en morceaux et saisi à feu vif, gros lardons fumés grillés, carottes jaunes en rondelles, pruneaux, oignons en quartiers, citronnelle (un bâton fendu), sauge en feuilles entières, ail écrasé, poivre noir...

Il y a le dernier jour d'un congé de deux semaines. Un moment de détente intermédiaire devant un film, un livre en main, une musique appréciée dans les oreilles. Au four, un tajine bien garni qui s'occupe du reste. Prochain plaisir : une dégustation qui prend son temps ; un grand verre de Bordeaux siroté sur plusieurs heures, et une demi-journée plus que réussie...











Il y a le dernier jour d'un congé de deux semaines. Un carré de chocolat ? Une sieste ? Un café ? Je vous laisse la plume...


À vous de goûter !

vendredi, janvier 3

[Rond de carotte] Potage choux de Bruxelles-Bintje et crevettes grises / Purée de betterave rouge à l'huile d'olive, anchois et câpres

C'est bon ? Elles sont passées, ces fêtes ?

La planète semble avoir survécu au cataclysme adipeux et alcoolisé de circonstance ; c'est une chance. La nature est robuste !

Cachez moi ces tourteaux que beaucoup ont maltraité, écartez-moi ces Saint-Jacques par trop caoutchoutées... Et que les espaces (passé un certain niveau, on n'appelle plus ça des cuisines...) équipés dernier cri ne se sentent pas hors de cause : c'est précisément sur ces superficies bardées d'appareils aux mille boutons et de rangements impeccablement nacrés et éléphantesquement élégants que se sont joués les pires crimes et méfaits. Et je n'évoque que la partie émergée de la langouste... Le pire restant ce que l'on ne voit pas, ce que l'on a sciemment oublié et négligé pendant deux bonnes semaines.

Par conséquent, je m'adresse aux délaissés, aux répudiés, aux parias de la société (de consommation), aux oubliés, non pas les oubliés devenus à la mode car boudés pendant tant d'années (si vous me suivez...), mais bien aux aliments dits « ordinaires » (l'affreux adjectif) que l'on écarte vraisemblablement par honte honteuse et/ou par peur de manquer d'un panache de carton-pâte au moins aussi ringard qu'un costume à paillettes pour karaoké.

Et ces choux de Bruxelles ? Et cette betterave rouge ? Vous les gardiez pour en fourrer une galette des rois ? Et ces crevettes grises rescapées ? Oseriez-vous vous rendre compte que vous repoussez l'échéance ? Allez-vous enfin avouer que ces frêles crustacés pétrifiés dans leur carcasse allaient terminer leur baignade post-mortem dans les fins fonds de votre tas d'ordures festives ?

Si l'huile de coude ne vous manque pas en ce début d'année, tandis que vos bras se remettent doucement des ouvertures de douzaines d'huîtres et des levées de vingtaines de coupes bien remplies, il vous restera alors quelques possibilités pour aligner deux ou trois repas sains, savoureux et sans frais.

Des choux de Bruxelles, une bintje, c'est un potage gagnant. À cela, vous ajouterez quelques crevettes grises cuites simplement décortiquées et un petit jus fait des carcasses de ces dernières, d'une lampée de cognac, d'une pincée de paprika et d'un nuage de crème. 



Une betterave cuite à la vapeur, mixée avec une certaine quantité d'huile d'olive jusqu'à parvenir à une consistance bien onctueuse ; quelques anchois émincés, quelques câpres, du poivre blanc à l'envi.




Voilà deux plats de saison sans prétention qui remettront les pendules au milieu du village après cette période d'ingurgitation joyeuse.

À vous de goûter !