La froid prospère, le noir s'éternise, les virus sévissent et les sens en pâtissent... Nos fosses nasales, imperceptibles en temps normal, nous semblent peser le poids d'un monde terne, gris et morose, un monde duquel l'odorat se serait fait la malle.
Barricadons, clôturons, bastionnons, donc ! Car, même s'il est évident que la logique physiologique l'emportera, il ne coûte rien de s'adonner à un pied-de-nez (déjà bien bouché) envers cette saison « minable » (au sens où elle mine le moral ; je précise).
Aussi, pourquoi ne prévoiriez-vous pas l'un de ces petits moments sociaux où vous pourriez laisser libre cours à votre nature altruiste et généreuse en partageant une sympathique assiette pensée avec le cœur et fignolée de vos miasmes ? Je vous le demande. Naturellement, il vous serait tout aussi permis d'envisager le postulat postillonnant de l'égoïste rétention d'exhalaisons exceptionnelles et personnelles dont vous gardez l'unique secret de fabrication, à votre corps défendant...
Bien, maintenant que nous nous sommes mis en appétit, voici l'objet du crime (de malaise majesté ou de la vôtre, je partage) : une paupiette, dis-je, mais une paupiette qui change, une paupiette un peu exotique et une paupiette saine ! (Pari tenu : placer au minimum cinq fois le mot « paupiette » dans l'article ; eh oui, le titre compte !)
Du saisonnier à la carte : de belles feuilles de chou vert blanchies dans de l'eau bouillante pendant 2-3 minutes (garde donc le cœur pour une soupe, vil pétomane !), une grosse carotte des familles détaillée en brunoise, un oignon émincé, deux filets de poulet et quelques ajouts aromatiques de votre choix : noix de muscade, piment d'Espelette, curcuma... Tout sera bon dans le baluchon. Vous confectionnerez la farce en toute facilité éléctroménagère : une bonne moulinette et les filets de poulet coupés en cubes baisseront bien vite la garde ; y auront été ajoutés au préalable : un œuf entier, quelques sommités de persil frisé, du gros sel et les épices de votre choix. On y intègre enfin carotte et oignon et on est bon ! Il ne reste plus maintenant qu'à refermer les feuilles de chou blanchies autour de ce bel appareil. Technique du portefeuille, messieurs, dames : votre feuille de chou, vous lui roulez la bosse (ou la côte, de son petit nom de cueillette) vers son extrémité distale ; la farce étant humide et amalgamée par l’œuf, vous n'aurez, en principe, aucune difficulté pour refermer les côtés en les pliant et en les enfonçant vers la farce. Vous obtenez des petits pochons rectangulaires ou ovales ? Bien joué ! La farce est ressortie de partout et vous avez déchiré votre feuille de chou ? Pas d'inquiétude : hurlez et/ou pleurez, puis recommencez !
Idéalement vous cuirez ceci dans un panier vapeur ; si vous optez pour une cuisson à l'eau, veillez à ficeler chaque pièce. Pendant que tout ce petit monde se détend au gré des gouttes brûlantes, vous fouetterez deux cuillères à café de tahini (la fameuse pâte de sésame, reine de l'houmous libanais ; herself) avec deux cuillères à soupe d'huile d'olive et un filet de jus de citron ; une goutte de tamari, un pincée de piment de Cayenne, et voilà une vinaigrette qu'elle est bonne. Toute prête à napper nos petits chaussons...
Bon, il me semble que je n'ai rien oublié (et aussi que j'ai épuisé tous les synonymes valables de « paupiette »...) ; je vous en laisse à vos bonnes tambouilles à croquer.
À vous de goûter !