Les poudres, les pilules, les tubes… Autant de conditionnements qui ont
abondamment boursouflé une bonne moitié du siècle dernier des plus bêtes et
fantaisistes légendes urbaines d’anticipation. Cris, poings levés, révoltes,
urticaires… Les manifestations négatives n’ont pas manqué dès le coup d’envoi de l'incursion envahissante sur une roche inerte qui n’aura eu que la seule
faiblesse d’apparaître un beau jour dans le champ de vision d’une poignée de
bipèdes assoiffés d’ailes et de gros réacteurs…
Or, il n’en a pas été grand-chose des prédictions apocalyptiques
qui auraient vu les assiettes du nouveau millénaire accueillir bouboules et
seringues comme seuls éléments constitutifs de repas que nous allions continuer
bêtement de prendre trois fois par jour à heure fixe. Tout au plus les soupes lyophilisées,
les moutardes et mayonnaise en tube ou les compléments alimentaires en cachets pourraient
donner partiellement raison à ces quelques illuminés de la soucoupe.
Autre avancée, autre
civilisation… Japon, 1908, Kikunae Ikeda, perplexe et euphorique tout à la fois
devant son bol de bouillon dashi (qui, mine de rien, refroidissait) détecte
Umami (« délicieux », « savoureux »,…), communément et
officiellement (depuis 1985) proclamé Cinquième goût (aux côtés des indéfectibles
sucré, salé, acide et amer). Umami, c’est tout ce que vous aimez dans un plat
sans le savoir : le parmesan sur la sauce tomate, le cèpe du risotto,
la tomate séchée dans la salade composée… Sans rentrer dans des détails scientifiques,
dont je vous soupçonne d’avoir déjà pris connaissance par vous-même, Umami se
rencontre principalement dans des aliments riches en glutamate…
Aucun rapport, me diriez-vous ? Il déconne complètement, penseriez-vous ? Je vous l’accorde la transition est assez brutale. Or,
ces histoires ont un point commun. Non, Umami n’a pas été extrait de la lune,
bien que la seule proximité du goût dit savoureux eût pu justifier les quelques bons
ridicules d’un Neil Armstrong décidément trop lunaire… Je ne vous annoncerai
pas non plus qu’Ikeda, aventurier du palais, fut également tête brûlée des
étoiles ni qu’il fut le premier à poser le pied sur la lune, miraculeusement
projeté par une charge calculée de bonne vieille poudre noire…
Navré de vous décevoir. Le voici, le « scoop » :
Umami existe… en tube ! Balivernes ? J’ai des preuves. Sacrilège ?
Si vous voulez. Toujours est-il que je ne pouvais pas ne pas goûter ce nouveau
produit qui se présente assez audacieusement comme ambassadeur exhaustif du
goût Umami. L’enjeu est de taille ; a-t-on jamais vu des tentatives de
concentration de salé, de sucré, d’amer ou d’acide ? À part quelques
calculs rénaux, un chouia de diabète et une poignée de grimaces variées, de
tels produits, avouons-le, n’auraient pas un impact excessif au niveau de nos
habitudes et existences.
Parlons peu, parlons bien. Que contient cette pâte Umami
dont la texture et la couleur feraient tantôt penser au concentré de tomates,
tantôt à la pâte d’anchois ? De l'assez beau monde : purée de
tomate, ail, pâte d’anchois, olives noires, vinaigre balsamique, cèpes,
parmesan, huile d’olive, vinaigre, sucre, sel, acide citrique. En somme,
plusieurs produits savoureux dont beaucoup sont déjà connus pour dégager la fameuse « nouvelle » saveur. Au goût, c’est puissant et très aromatique.
L’ail et l’anchois prennent sans conteste le dessus. Dommage. La pâte mérite
malgré tout sa place entre vos pestos, vinaigrettes et autres condiments, car sa composition et sa saveur plus qu’exprimée pourraient très bien
substituer, voire optimiser vos assaisonnements traditionnels.
Sur l’emballage comme sur le site Internet (mentionné sur l’emballage),
vous trouverez quelques idées pour l’accommoder (dans un risotto, dans une
sauce pour des pâtes ou pour une pièce de viande), ainsi que diverses recettes,
notamment proposées par l’auteure Laura Santtini, digne créatrice de la pâte en
question. Pour ma part, j’ai testé le produit tartiné en assez petite (et
néanmoins suffisante) quantité sur une tranche de pain ou dans un sandwich
avant d’y ajouter divers ingrédients ou encore délayé dans une cuillère à soupe
d’huile d’olive et ajouté à des salades de pâtes et de riz… Mon appréciation en
a été plutôt positive : le produit remplit haut la main ses promesses de
puissance. Je ne vous conseillerais que trop d’intégrer Umami à l’appareil d’un
œuf mimosa : un petit plus qui change et qui séduira très certainement vos
convives. Je n’ai toutefois pas été convaincu de l’intérêt de ce nouveau
condiment au sein d’une sauce tomate de type bolognaise. À moins d’en ajouter
une quantité importante, on ne sent pas la différence ; et lorsqu’on la sent
enfin, il ne s’agit plus vraiment d’une sauce bolognaise.
En résumé : un produit à découvrir et à accommoder
selon vos goûts et idées. Ne vous cantonnez néanmoins pas à ce seul
représentant conditionné du cinquième goût. Soyons lucides, la préparation en
tube, bien qu’honnête et de qualité, surfe allégrement sur la vague de la
nouveauté (lucrative, évidemment) et risquerait de réduire cette saveur
complexe à la seule association d’une poignée d'ingrédients. Non, Umami ne se cerne pas
comme un bouillon cube ! À cet égard, je vous recommande la lecture de l’ouvrage
Umami, le Cinquième goût savoureux de
Laurent Seminel (éditions Marabout), qui vous permettra de découvrir l’histoire
d’Umami, ainsi que les produits concernés par cette saveur, le tout ponctué de quelques recettes
qui vous permettront de concrétiser les nombreux adjectifs utilisés pour
décrire le cinquième goût… car ces choses-là s’évaluent avant tout par les
papilles !
Vous trouverez la pâte Taste Umami #5 chez Carrefour au
rayon des huiles et vinaigres (environ 4 euros)
Note : la pâte Umami s'accorde à merveille avec quelques fines tranches de pain de poulet déposées sur une tranche de pain gris (cf. billet précédent)
À vous de goûter !
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