Mettons un peu en veilleuse nos récepteurs, remettons à leur
place cathodes et LED pour en revenir au véritable, aux choses que peuvent encore
considérer nos humbles mirettes, toutes seules comme des grandes. Car, si l’objet
de cet article n’est résolument pas un réquisitoire musclé contre la « gastro-télé-réalité »,
il serait peut-être judicieux de reconsidérer le spectacle que nous offrent ces
émissions bien ficelées et parées (du prêt-à-gober), ainsi que la lentille incontestablement
déformante qu’elles nous imposent. Musique palpitante, précipitation, montage
très/trop sélectif, célébrités attrape-mouche, overdose d’humain rôti au
projecteur… Tout a été génialement pensé pour happer le plus grand nombre de spectateurs.
Néanmoins, je ne voudrais absolument pas tomber dans la critique imbécile et
sans nuance de ce type de programmes ; ces gens font leur métier, ne les
en blâmons pas : c’est de la télé.
Pourquoi donc plomber d'emblée l’ambiance par un paragraphe
moralisateur (si peu…) qui vous inspirera sans doute du déjà-lu ou du eh-ben-t’as-qu’à-pas-regarder !... ?
La réponse n’est pas bien compliquée : j'ai souhaité souligner le contraste évident entre les bons et les mauvais côtés de cette nouvelle vague médiatique écrasante et difficilement contrôlable. Car s’il est bien une réaction positive que
peut générer cette nouvelle tendance qu'incarne la gastrovision, c’est bien la découverte,
l’expérimentation personnelle. Ainsi, si l’on oublie ces histoires irritantes de
compétition, de candidats et de récompenses pour se concentrer exclusivement
sur les techniques, les produits et les assiettes, l’on peut alors, sans trop
exagérer, parler de véritable invitation au voyage ; celle qui incite à
goûter, à créer, à composer soi-même, voire à pousser la porte des établissements
de chefs susceptibles de vous faire grimper tout là-haut sur le petit nuage de
la bonne chère.
Pour ne rien vous cacher, étant moi-même originaire de la
cité du Doudou, du singe en fer forgé et de l’homme d’État à nœud-pap’, je n’ai
pas hésité longtemps à l’idée de découvrir le petit monde de monsieur
Jean-Philippe Watteyne, l’un des candidats de l’émission Top Chef 2013 et avant
tout concepteur et maître d’œuvre de l’établissement iCook!, situé en plein cœur
du chef-lieu hennuyer. Est-il approche plus authentique pour découvrir un
créateur que de le rencontrer sur son terrain de jeu, dans son milieu naturel ?
Nous étions quatre (disons trois et demi, la benjamine de notre joyeuse troupe
ne totalisant qu’à peine six printemps) impatients de tenter cette nouvelle
expérience…
C’est avec simplicité et sympathie que nous avons été
accueillis par la compagne du chef dans ce lieu exigu mais plutôt bien pensé et
agencé. Aussitôt assis, nous avons reçu l’ensemble des informations relatives
aux différentes formules et possibilités ; nous avions le choix entre un
menu lunch très alléchant (pour seulement 25 euros !) et le menu Saint-Valentin
(55 euros) un peu plus élaboré et original. Bien que nous ne soyons absolument
pas venus dans l’optique de vénérer Cupidon, notre choix s’est toutefois porté
sur cette dernière formule proposant cinq services avec la
sélection de vins proposée par la maison, à raison de 20 euros supplémentaires
par personne (on ne mangera pas tous les
jours chez iCook! après tout…).
Les enfants en bas âge n’étant pas spécialement friands des
associations originales ni des festins à rallonge, le personnel, tant en salle
qu’en cuisine a tout mis en œuvre pour que ce moment soit tout aussi plaisant pour
notre jeune convive, en lui proposant notamment un plat sur-mesure selon ses
goûts et les produits disponibles. Avant notre deuxième entrée, la petite
demoiselle a donc eu l’occasion de déguster un suprême de coucou de Malines cuit
à basse température, sur un écrasé de pomme de terre, arrosé d’un petit jus corsé,
le tout accompagné d’une carotte vapeur et de mini bouquets de brocoli… Autant
vous dire que devant la maîtrise des cuissons et la justesse de la
présentation, nous salivions d’ores et déjà… À la demande de la principale
intéressée, le chef Watteyne a, par ailleurs, accepté de lui apporter un
supplément de l’écrasé de pommes de terre et de jus… Aux petits soins, vous
dis-je !
Quant à nous, adultes curieux et affamés, nous n’étions pas
en reste… Après un tartare de Saint-Jacques très régulier et infiniment tendre
parfumé au yuzu, surmonté d’une tuile aux
figues sèches, nous goûtions de la raie finement apprêtée (et non étalée
bêtement sur l’assiette avec de nombreuses arêtes en prime…) servie avec un
délicieux consommé aux crevettes grises très aromatique et quelques légumes de
saison… La fraîcheur des produits et l’absence de chichis inutiles nous ont
tout autant séduits à la dégustation du suprême de coucou de Malines cuit à
basse température accompagné d’une déclinaison variée de légumes racines
(carotte jaune, salsifis, topinambour…), quelques lamelles de truffe noire (en
aucun cas dominante, ouf !) et un petit jus corsé, celui-là même qui nous avait fait
tant envie d'entrée de jeu…
Après un pré-dessert idéal pour nous rafraîchir les papilles
(un granité d’agrumes à la citronnelle posé sur une guimauve au citron vert
glacée), le dessert proprement dit est venu ponctuer un menu Saint-Valentin qui
a rempli pleinement son contrat en termes de raffinement, de délicatesse et de
glamour sans que le mot kitch ne nous soit venu à l’esprit un seul instant… Par
ailleurs, il est à noter que ce monsieur Watteyne recèle de bonnes idées pour
séduire ses hôtes : un dôme de chocolat contenant une fine ganache, une
mousse légère de cerise, quelques cerises entières, ainsi qu’un petit cœur (ben
oui, c’est le thème…) extrêmement chocolat, le tout arrosé en dernière minute d’un
chocolat chaud perçant peu à peu la coque supérieure du dôme afin d'en
dévoiler le contenu, à la manière d’un rideau de théâtre… Vous comprendrez
aisément que nous avons été définitivement conquis par ce moment que je
qualifierais de mémorable… Ajoutez à cela une sélection de vins précise et
adéquate, et vous obtenez un bel exemple d’une cuisine authentique qui veille
tant au respect des produits qu’à celui des dégusteurs…
En bref, nous ignorons tous, Monsieur Watteyne, si vous avez
remporté le concours Top Chef 2013… Nous vous le souhaitons, certes ; mais
ce que nous espérons avant toute chose, c’est que vous continuerez d’exercer
avec toujours autant de passion et de fraicheur votre noble besogne d’artisan
du goût.
À vous de goûter !
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