jeudi, mai 30

[Carne, assez] Demi-courge Butternut rôtie au four



Voilà un vrai petit délice qui fera office de trêve tranquille entre deux de nos chers menus surprotéinés usuels, vous dis-je, moi qui broie de mes molaires asservies et sans trop de distinction morale carottes crues et crevettes grillées. Car, non, je ne compte pas aujourd'hui faire l'apologie aveugle du végétarisme, pratique alimentaire tout à fait honorable et justifiable en soi, si elle n'était pas honteusement galvaudée par une tripotée joyeuse de crétins néoténiques, lesquels, en souffrance d'une pensée pertinente et d'un recul élémentaire, cultivent, colportent et imposent ce qui s'est bien malheureusement assez vite mué en une mouvance adulescente bobotifiée...

Dieu me chipote, je le répète : le végétarisme mérite tout mon meilleur respect d'omnivore. Il n'est d'ailleurs pas impossible, si je n'étais pas pourtouré et ceinturé d'arbitraires et indélicats carnivores, que je verse, moi-même, ad vitam et igname, dans la consommation ultra-diversifiée de végétaux, sources plurielles d'innombrables sels minéraux et nutriments divers et variés. Mais ne venons pas à mélanger hygiène de vie et effet de mode éphémère. Le végétarisme n'est pas la panacée, assez donc de zèle imbécile et linéaire. N'allons pas faire porter aux légumes toute la responsabilité de nos pesantes claudications existentielles.

Dans cette optique, je serais prêt à parier de la main gauche coupée, en mettant la droite au feu, que nombre d'herbivores issus des classes moyennes se prélassent dans leur sédentarité démusculante en brandissant les éthérées vertus de leur ars vivendi d'emprunt. Or, s'il est vrai que le piéton tiendrait aujourd'hui plutôt de l'espèce marginale indéfinie, perdue entre l'homme à abattre et le taxon à choyer, il est indéniable que les plaisirs de la marche sont et demeurent le meilleur moyen d'entretenir à peu de frais tout le bastringue éprouvé par l'inactivité, tout comme de disperser aux quatre vents les effluves d'une pseudo-réfléxion engourdissante bête à faire du foin ou à manger de la paille de fer, qui porterait peut-être le seul mérite de tenir chaud l'hiver.

Un préambule kilométriquement et densément rasoir, certes ; j'avoue d'ailleurs vous l'infliger par pur égoïsme méprisable, tandis que je recherche des moyens divers et variés de me distraire pendant la longue cuisson du légume mis en lumière ce soir. Car, oui, s'il fallait trouver une difficulté à la préparation du jour, il pourrait bien s'agir du sang froid dont le mangeur à la fourchette érigée devra faire preuve pendant deux bonnes heures...

À part ça ? Rien du tout, de la cuisine de bac à sable : un bon four fidèle qui peut tenir à 150° sur la durée sans risquer la crampe, trois cuillères à soupe d'un mélange huile d'olive-sirop d'érable (comptez 1/3 - 2/3), quelques rameaux de thym frais, du piment d'Espelette moulu et de la fleur de sel. Une vraie recette d'épicurien pantouflard engourdi d'heures de bureau. Il s'agit simplement de badigeonner la chair de la demi-courge Butternut (égrainée mais non épluchée) du mélange huile-sirop, de déposer les quelques rameaux de thym frais et de terminer avec le piment et le sel.

Vous en obtiendrez in fine quelque chose de tendre, de goûteux, de doux et de savoureux qui se mange à la cuillère. En bref, pas de quoi chatter un fouet (ça ne veut rien dire, je sais ; mais je ne tenais pas à perdre les quelques bienheureux technologiférés de mon désormais clairsemé lectorat), pas de quoi décharner un lobby ni même réguler le niveau à bulle de la prudhommie alimentaire ; mais juste un légume d'hiver patient et docile qui accepte de rendre l'âme sur le tard, de manière bien généreuse et délicate. Vaille que vaille, simplicité extrême et saveurs naturelles associées viendront remettre les pendules à l'heure en marge des crédules à leurres.

Aussi, mangez rouge passion, vert espoir, rose andouillette ou jaune cocu ; peu importe, pour autant que vous évitiez le gris cacochyme. C'est déjà passé de mode.

À vous de goûter !

P.-S. « L'enfer c'est les hôtes » (in L'Exterminationisme pour les Nuls), avait proféré un jour un jeune philosophe fringant et clairvoyant du nom de Jean Seul-Piètre ; c'est donc en vertu de cet axiome millénaire que vous pourrez déguster seul et sans altruisme aucun votre cucurbitacée rien qu'à vous.

mardi, mai 28

[Ce soir...] Foie de veau poêlé, échalotes confites au vinaigre balsamique et asperges vertes sautées





Quelle soirée, mais quelle soirée !

Ça m'apprendra à souffler la bougie en la brûlant par les deux bouts, tiens... Quelle pensée saugrenue a bien pu me traverser l'esprit malade ? Quelle déraison a bien pu me pousser à me resservir un demi-verre supplémentaire de Chénas ? Quel petit démon velu a bien pu me souffler au creux du cérumen de l'oreille droite l'idée de reprendre un deuxième carré de chocolat noir ? Déjà un an ?! Pfou ! On est plus tout jeune ma bonne dame, surtout vous...

Et v'là-t'y pas qu'y lui viendrait l'idée de cuisiner ! Pas sérieux tout ça mon ptit bonhomme, pas sérieux ! Et vot' petite santé, vous y pensez ? Quiqui pensera à votre ulcère qui vous pend au jabot ? Quiqui guette (poil à la... crème fleurette) vot' hépatome épatant qui vous germera un jour dans l'bas-ventre ?! Pas vous c'est sûr...

Vous avouerez que ma conscience, de sa petite voix fluette et délicate, a son petit charme singulier... Qu'à cela ne tienne, nous l'écouterons... Je ne tiens pas à vous abandonner lâchement emporté par une ridicule maladie du mangeur, en tout cas pas tout de suite... On va tâcher de faire plaisir à tout le monde ; à ma conscience sa rigueur rigoriste et à nous le plaisir !

Non, mais vous croyez pas que je vous...

Chhhht, calmos la caboche intègre ! J'y viens, j'y viens ! En ce lendemain faiblard de veille débridée, songeons à l'organe éprouvé, visons le raisonnable, non, le dépuratif, que dis-je, le reconstitutif ! Un morceau de foie de veau, même à Rome, n'a jamais tué un homme en un jour... D'autant plus s'il est accommodé à sa juste valeur, magnifié sans être travesti : un singeage traditionnel (où la farine agrémentée de sel et de poivre blanc vient enrober chaque morceau de viande crue), une cuisson à la poêle à feu vif, histoire d'obtenir une coloration à tomber raide...

Aha ! J'vous l'avais bien...

Oh et puis zut, conscience en berne, régalons nous ! Après avoir ôté les morceaux de foie colorés, un bon trait de vinaigre balsamique véritable viendra gentiment décoller les sucs dans lesquels les fragments d'une échalote émincée pas trop finement trempouilleront leurs extrémités un instant avant d'être rejoints, cinq minutes avant le service, par le foie réservé au chaud.

Madame ma conscience, si elle n'a pas déjà mis les voiles, sera sans doute ravie d'apprendre qu'outre la pomme persillée d'usage, il existe un accompagnement végétal de saison par excellence pour ce type de plat. Fine, parfumée et diététique, l'asperge verte (en triple exemplaire par assiette) n'exigera rien de plus que d'être cuite 7-8 minutes à la vapeur (que vous parfumerez selon vos souhaits ; j'y ai, pour ma part, fait infuser une cuillère à café de fleur de sel au nori), puis poêlée dans un chouïa de matière grasse, avant d'être ponctuée in fine d'une pincée de poivre blanc et de quelques cristaux de fleur de sel.

Bien bien, j'ai le devoir de vous annoncer solennellement que ce lendemain d'anniversaire du présent blog sera à jamais marqué par le trépas de la gracieuse conscience de votre (désormais vil et vicieux) serviteur....

Ça s'arrose, que diable ! (D'un verre de Chénas, par exemple...)

À vous de goûter !


dimanche, mai 26

[Sortie] Le Salon des lumières


Damoiselle, damoiseau,



Au crépuscule de vos semaines ordinaires, desquelles le vendredi soir et sa ribambelle d'heures de dégrisement du devoir accompli font office de moignon salvateur, n'aurai-je de conseil plus judicieux que de vous recommander une charmante table citadine - ni la gratuite, ni la tue-pécule - dressée en plein cœur de Mons, modeste cité doudoutifère (...et te l'taper chaque année ; les victimes locales me comprendront), chef-lieu fameux (pardonnez les postillons volontaires) d'un territoire longtemps occupé par une faune autochtonisée de force par les liens sacrés du charbon.

Ainsi, tandis que vous vous étirez à l'avance les courbatures usuelles en songeant à la détente d'à peu près cinquante heures (top chrono) dont il vous faudra occuper chaque parcelle à coup d'activités finalement trop utiles pour être tranquilles, pourquoi ne point laisser libre cours à vos instincts stomacaux primaires de primate originellement dépourvu de montre, de calendrier et de pointeuse ?

Primaire, mais non primitif. N'allons pas mélanger les cardons et les mouillettes, sacre et cordon bleus ! Car, s'il est parfaitement à même d'estomper une faim et d'étancher une soif, le lieu en question se distingue par bien d'autres singularités qui, mises bout à bout, en musique et costumes d'époque, viennent charpenter une expérience pour le moins baroque, au sens quintessencié du terme. N'ayons pas peur des mots !

Vous voilà donc, jeune couple équitablement salarié, paré de vos plus beaux atours soigneusement sélectionnés aux heures les plus cafardeuses de votre mercredi soir perdu entre un mardi à oublier et un jeudi à craindre. D'entrée de jeu, on ne vous laisse pas en reste ; après un accueil pour le moins chaleureux, l'on vous place avec humour et égards. Autour de vous, tout concourt à vous faire oublier les roulettes crissantes de votre sempiternel siège professionnel et les néons froids et surnuméraires fichés au faux-plafond amovible de votre atelier meublé et chauffé. Chaises et tables aux pieds galbés de style Louis XV, couleurs sombres et veloutées aux murs, lustres allégoriques en exergue, musique classique en fond sonore... Si vous ne vous sentez pas revenus à un temps que les moins de 300 ans ne peuvent pas connaître, il vous faudra bien vous rendre à l'évidence : vous êtes ailleurs qu'à tout autre endroit, vous êtes au Salon des lumières.

Fort heureusement, les assiettes ne vous obligeront pas aux libations orgiaques d'époque qui, si l'on tâchait d'en imaginer avec approximation l'addition finale probable (je suis d'ailleurs toujours à la recherche d'un convertisseur automatique louis d'or > euros), exploseraient très légèrement votre budget que je soupçonne toutefois respectable. En pratique, si les intitulés jouent le jeu de la fantaisie parfaitement en accord avec le thème du restaurant, les plats sont le fruit d'une cuisine contemporaine maîtrisée avec assez bien d'adresse et d'inventivité.

À présent, je vous vois tous deux réjouis, souriants et satisfaits face à ces deux cercles de porcelaine vides qui avaient jadis arborés un millefeuille de crêpes à base de poivron (épluché ! clap, clap, clap), d'aubergine, de basilic frais et de deux beaux filets de rouget barbet parfaitement cuits, avec toutefois un bémol : il semblerait que ces derniers n'aient pas été (suffisamment ?) désarêtés au préalable (hélas, le rouget peut se targuer de picoter en rafale nos chairs molles buccales si l'on ne songe pas à l’apprêter avec minutie).

Qu'à cela ne tienne, le personnel ne sera, par ailleurs, absolument pas contrarié que vous lui en fassiez la remarque ; bien au contraire, une fois votre succulent nougat glacé - lequel semble bien loin des monstrueux blocs de matière industrielle que l'on découpe à la scie circulaire à la sortie du congélateur-bahut de l'arrière-cuisine de troquets dont la salubrité n'a d'égal que l'intégrité des tenanciers - une fois donc votre délicieux dessert évanoui dans les limbes de votre tube digestif, le serveur se proposera même, non sans humour bien dosé, de vous offrir votre éventuelle consommation liquide à venir. Et pour couronner (hohoho, me gausse-je devant tant de précautions lexicales) le tout, vous goûterez à la chaleur leste des buveurs de liqueur de noisette artisanale, laquelle vous sera également offerte (oserais-je un piètre « aux frais de la princesse » ?) en compagnie de l'addition (non offerte quant à elle ; je préfère le préciser).

Tant que nous en sommes à l'addition, parlons-en, car elle fait, quoi qu'on en dise, partie intégrante de l'expérience. Pour quelques heures agréables ponctuées d'un apéritif, de deux verres de vin blanc, d'un plat et d'un dessert, il vous en coûtera la somme approximative de 85 euros pour deux personnes, soit un montant finalement tout à fait raisonnable pour un moment si plaisant.

Aux détracteurs les plus critiques qui fustigeront un décor un peu « carton-pâte » sans même s'être rendus une seule fois sur place, vous pourrez répondre avec panache et assurance en évoquant l'authenticité d'une cuisine qui n'a absolument rien à envier à d'autres restaurants traditionnels de la région, plus chers et soi-disant plus réputés (si vous me suivez... mais oui, vous me suivez)

À vous de goûter !

vendredi, mai 24

[Ce soir] Filet de porc ibérique (lomo) cuit à basse température, fondue de tomates aux olives noires, purée de pommes de terre à l'ail et chou-fleur à l'andalouse



Hola !

Je ne sais plus quel singe savant a bien pu dire que la gastronomie était le seul rapport à la chose matérielle qui n'ait jamais déclenché ni conflit ni guerre... Il n'empêche que ledit coquin philo-gourmet avait mis le doigt sur une réalité qui, sans être transcendante ni révolutionnaire, peut se vanter de valoir son pesant d'arachides premier choix.

En effet, existera-t-il âme pour me contredire lorsque j'avancerai - pimpant et pétulant de rodomontades, telle la brise matinale incongrue qui, mine de rien, alimente activement les cruciales discussions météoabrutologiques de Monsieur Vanderquidam et de sa boulangère, miches en exergue, l'éplorée veuve Briochenberne - lorsque j'avancerai donc qu'il arrivait au Général de Gaulle de s'empiffrer négligemment de paella aux crevettes roses, tandis que son Caudillo de voisin belliqueux méridional et l'un de ses illustres copains patibulaires (à moustache brève et à bras droit long) s'employassent à lui donner bien du fil barbelé à retordre...

De même, qui ignorerait encore que les virginales et candides chevilles ouvrières des havres Moody's et Standard & Poors se tapent bien volontiers, à l'heure des gargouillis signifiant faim et travail (trop) bien fait, le bon vieux Chorizo artisanal entre deux tranches de pain de mie blanc de blanc et entre deux dégradations de note quotidiennes, dont peut-être celle du royaume ibérique ?

Mes exemples vous sembleront peut-être licencieux, éhontés, ridicules... Certes, mais sachez que je ne serai pas le premier à verser de l'huile piquante sur bobonne dans les orties ; d'autres y ont même déjà mis le feu !

Mais revenons, si vous le voulez bien, à nos réjouissances de cette fin de semaine. S'il est un produit élaboré avec beaucoup d'égards et dans les règles du lard, il s'agit bien du porc ibérique. Car, du haut de ses 25 euros le kilo (pour le filet [très] mignon extrait de ladite bête), ce cochon nourri quasi exclusivement de glands, peut s'enorgueillir d'avoir bien plus d'un tour sous sa couenne...

Pour éviter le plus possible de stresser cette belle viande inédite, nous opterons pour une cuisson à basse température avec juste ce qu'il faut d'aromates et d'épices ; ainsi, après avoir marqué les filets sur toutes les faces, ceux-ci seront placés dans une cocotte en fonte avec les sucs de cuisson déglacé à l'eau claire dans lesquels auront rapidement infusé quelques rameaux de thym frais, ainsi que quelques grains poivre noir concassé et une cuillère à café rase de cristaux de fleur de sel, ni plus ni moins. La cocotte somnolera alors une bonne heure trente (pour deux filets d'environ 400 grammes chacun) dans un four préchauffé à 130°. Il en ressortira un petit plaisir de tendreté et de saveur que vous pourrez déguster sans nulle lame aiguisée.

Nombreux sont les accompagnements susceptibles d'encadrer valablement le noble porcin ; je citerais, par exemple, une purée de pommes de terre à l'ail (faire cuire à l'eau des pommes de terre farineuses et une petite poignée de demi-gousses d'ail dégermées, puis écraser l'ensemble en y ajoutant de l'huile d'olive, du sel et du poivre blanc, afin d'obtenir une belle purée homogène et parfumée), une fondue de tomates aux olives noires (sur quelques olives noires hachées sautées dans un trait d'huile d'olive, verser un bol de tomates concassées, saler et épicer à l'envi) ou encore quelques bouquets de chou-fleur sautés à l'andalouse (après une cuisson de 10 minutes dans de l'eau bouillante, faire sauter les bouquets dans un peu de matière grasse, ajouter une cuillère à soupe de jus de citron, une cuillère à café de cumin moulu, du sel et du poivre blanc, ainsi qu'un peu de persil haché en fin de cuisson).

Vous mitonnerez donc, vous dégusterez donc et vous boirez donc un bon verre de Rioja Crianza, pour l'occasion. Ce modeste rituel devrait vous permettre de souffler, de vous reconcentrer sur le Moi qui est le vôtre et de voleter bien au-delà de cette farandole de télébrités agitant sauteuses et chalumeaux sur fond de tempo culinaro-wagnerien dans l'intention subliminale de vous faire prendre des saucisses aux lentilles pour des lanternes au Sauternes (ou quand l'assonance excuse le non-sens).

Olé !

À vous de goûter !

lundi, mai 20

[Sortie] Le Marchal

Ah, la gastronomie montoise... Si vous en restez à cette exclamation pour le moins lacunaire, à moins que sa nébulosité vienne servir une construction suggestive d'un genre curieux, il est très probable que vous soyez tenté(e) de découvrir ces mets d'un terroir exotique par la grande porte, c'est à dire par l'intermédiaire de l'une des maisons les plus réputées de la région.

Imaginons ainsi que vous soyez parisien(ne) et qu'à l'occasion d'un court séjour au cœur du chef-lieu hennuyer, vous cherchiez à vous sustenter de manière représentative et agréable. Bonheur des coïncidences, les innombrables tentacules informationnels qui composent le Dieu Internet vous proposent un restaurant apparemment à la hauteur de vos attentes. Sur le site dudit établissement, les mentions « centre historique », « cuisine de terroir », « région montoise », « cuisine à la fois classique et moderne » vous sautent ainsi aux yeux, dont les pupilles se dilatent déjà par anticipation. S'il fallait encore vous convaincre, vous liriez les nombreux avis laissés par les clients ; si très peu déplorent l'un ou l'autre élément négatif ponctuel (une musique d'ambiance peu adaptée, une certaine lenteur du service, un cadre un peu trop classique...), vous constaterez aisément que la dithyrambe globale et sans concession est légion.

Vous voilà tranquillisé(e), vous qui ne pensiez pas arrêter un choix aussi rapidement ; vous vous féliciteriez presque en vous disant que vous venez sciemment et par avance de réussir votre repas.

Jour J ! Vous voilà face au bâtiment qui brille par son style ancien (« oh, comme j'ai bien fait ! »). En ce qui concerne l'aménagement intérieur, votre jugement pourra s'en trouver un rien plus modéré ; la salle est certes grande, les plafonds sont certes hauts (typiques d'une maison de maître), mais les bémols viennent bien vite s'aligner en un collier lourdingue et d'assez mauvais goût : les lustres sont sales ; les chaises sont d'époque mais d'une époque difficilement descriptible, perdue entre l'ancien et le moderne, de ce style suranné dès la naissance qui a dû ne se vendre correctement qu'au cours d'une poignée d'années perdues en plein cœurs des Trente (soi-disant) Glorieuses ; la table à laquelle vous vous asseyez est assez maladroitement et bruyamment agrandie par un serveur qui peine (si peu) à dompter le système de fixation du rabat...

Vous mettez ces premières impressions négatives sur le compte de trop grandes attentes qui vous empêchent de considérer les choses de manière objective... Concentrons-nous donc sur les assiettes !

Bien mal vous en prend... Avant même que ne vous soit servi le premier plat du Menu du Marché (entrée-plat-dessert [32 euros] + forfait apéritif, vins, café et mignardises [20 euros]), voilà que vous recevez deux salves de mises en bouche d'un genre particulier ; ce n'est pas tant que vous soyez déconcerté(e) par une originalité décoiffante, non non, c'est autre chose... un sentiment de tristesse, voire de morosité existentielle vous prend lorsque vous considérez la première assiette rectangulaire que l'on pose devant vous... Ci-gisent un feuilleté roulé trop cuit, une rondelle de concombre flanquée d'un lambeau de saumon fumé plié à la sauvette et de miettes d'échalote, une feuille de chicon dans laquelle reposent fébrilement quelques crevettes grises à la mine plus basse que la marée, sans compter l'unique olive noire flétrie dont la solitude manifeste doit pouvoir justifier la traînée noirâtre qu'elle a laissé sur l'assiette à son pigment défendant...

Tout cela est gobé en un rien de temps, ainsi que la deuxième assiette dont la seule et unique qualité pourrait être la velléité « mangeons local » qui ne peut néanmoins pas compenser un dressage digne d'une brasserie modeste (est-il encore concevable de servir des carottes râpées dans un restaurant gastronomique ?!) et un choix de support plutôt calamiteux (mais les goûts et les couleurs... oui, voilà, tout le problème justement : les couleurs !).

Vous anticipiez votre plaisir ? Hélas, vous en venez maintenant à appréhender la prochaine déception. Fort(e) d'une certaine perspicacité, vous avez certainement envisagé les quelques champignons noirâtres farcis d'un frêle escargot non moins sombre, le tout déposé sommairement dans une assiette à bord jaune ponctuée de motifs bleus et dont les seuls éléments décoratifs sont des chutes de poivron rouge (non épluché) et de carotte alignées plus ou moins symétriquement et dont chacune excelle par sa forme unique et son inutilité flagrante.

De même, vous avez dû vous attendre à rester assez perplexe devant le navarin d'agneau printanière que l'on vous sert à l'instant ; si les cuissons semblent maîtrisées (ouf !) et si le dressage peu raffiné d'un plat de cuisine traditionnelle ne vous choque pas (bien que vous ayez une vague idée d'une louche géante et suintante venant déposer négligemment une certaine quantité de tambouille sur ce qui allait être votre future assiette), vous ne pouvez vous empêcher d'exprimer une moue renfrognée en goûtant ce qui semblait être une bonne purée classique mais qui se révèle être un amas excessivement acide et citronné peut-être (pas sûr... mais sure !) à base de pomme de terre... Pour vous rétablir, une gorgée du vin rouge inclus dans le menu devrait être de bon aloi. Erreur fatale, très chèr(e) ! Vous passez d'une consternation gustative à l'autre ; si, sur papier, les cépages et appellations semblaient alléchants, la dégustation ne provoque en vous qu'un énième sursaut nerveux et tristounet qui vous tiendra jusqu'au dessert...

Le dessert ? Si vous avez bonne mémoire, il s'agissait de chocolat... Oui, d'un Trio de gourmandises « tout chocolat » ! Bonheur ! Le meilleur des antidépresseurs naturels. Dans votre état, vous vous rendez compte que vous en avez salement besoin... Et puis, a-t-on jamais été déçu par un dessert à base de chocolat ? Après tout, ce goût unique et particulier ne peut que difficilement varier.

Vous en aviez cauchemardé ? Marchal l'a fait ! Un dessert fantomatiquement insipide et éprouvant à la dégustation :

- Boule de glace stracciatella à la menthe : si l'idée de base est bonne, le chocolat est coupé en de si gros fragments que la dent doit opérer un certain effort pour en venir à bout, tandis que la glace (dont le goût de menthe est si discret que quasi inexistant) vient gentiment vous chatouiller les mâchoires.

- Mousse à l'orange sanguine et au chocolat : orange sanguine ? chocolat ? Difficile à dire ; de l'œuf, il y en a, c'est certain ; les copeaux noirâtres sont eux si coriaces que l'on songerait davantage à des brisures de pâte de fruit trop cuite.

- Moelleux au chocolat : à moins que vous ignoriez qu'un moelleux était un gâteau, l'apparence de cette mousse moulée en terrine vous intrigue assez bien ; sans que l'allure soit réellement repoussante, vous vous questionnez un rien sur la démarche de l'auteur du méfait ; encore une fois la dégustation vous laisse bras ballants et langue inerte... Mollasse, pâteux, la tentative d'ajout d'arôme de café masque totalement le goût du chocolat et un élément non identifié à base de noisette pêche par son manque flagrant de croustillance... À bout de mastication inutile, vous ne finissez pas votre assiette.

Un café (servi dans une jolie tasse verte ponctuée de coccinelles... joli tableau cartoonesque récapitulatif de votre désolation) et quelques mignardises insipides et peu respectueuses des produits plus tard, vous sortez avec une mauvaise image de l'établissement et, si votre mécontentement inhibe votre bon sens (vu la situation, on vous le pardonnera...), de la gastronomie montoise toute entière. Au mieux, vous trouverez une friterie ouverte en ville ; au pire, vous quitterez la région séance tenante.

Pour résumer :

Rendez-vous au Marchal si :

- Vous souhaitez revivre cette époque où l'on vous servait une tranche de pâté et des carottes râpées trop vinaigrées dans un restaurant gastronomique.

- Vous voulez mesurer votre sens critique à l'aberrance des commentaires élogieux des autres clients dont le palais et les yeux ne doivent pas être configurés comme les vôtres.

- Vous cherchez à paraître dans une maison sélecte de la ville de Mons (future capitale européenne de la culture ; une pensée effrayante quand l'on sait que des centaines de personnes découvriront la gastronomie locale par ce biais) sans même songer à ce que vous pourrez bien y manger.


Ne vous rendez pas au Marchal si :

- ... eh bien, en fait, non, ne vous y rendez pas.


À vous de goûter...




[Ce soir...] Veau de la Pentecôte et sa ribambelle de légumes



À Pâques son agneau, à la fin mai son veau... Voilà que j'amalgame, que je confonds, que je blasphème, que je mélange missels et dépliants publicitaires ! Ne vous méprenez pas ; je suis bien conscient du caractère purement commercial et promotionnel (et non judéo-chrétien, contrairement au mitonnage rituel de l'ovidé pascal) de ladite tradition du jour, laquelle est bien plus ancrée en France qu'au sein de notre Plat Pays qui le vaut/veau bien...

Religion, marketing, tout ça semble contradictoire et parfaitement associable à la fois... Mais n'entrons pas dans des débats inutiles et vainement vains... Un point commun entre ces deux routines gastronomiques séparées de pratiquement cinquante jours selon le sacro-saint comput ecclésiastique ? Une bonne occasion de redécouvrir un produit noble et de s'agiter un chouïa les neurones pour l’accommoder d'une manière appréciable, traditionnelle ou novatrice, pour autant qu'il soit au goût des heureux et bénis dégustateurs.

Si j'aime créer et m'écarter des sentiers battus, les bases et le goût véritable des aliments restent indéniablement mes moteurs et repères immuables. Aussi ai-je évité de molester ma belle pièce de veau et de la décliner sous d'innombrables formes plus géométriques et exotiques les unes que les autres ; laissons là symétrie, alignement graphique et disposition rigoureuse des éléments afin d'envisager les produits sous un angle plus primaire et élémentaire.

Le rôti de veau, après avoir été marqué sur toutes ses faces à feu vif dans un peu de matière grasse (histoire d'obtenir une belle croûte qui permettra aux sucs de ne pas s'échapper de la viande) sera placé dans un four (traditionnel) à 150° (comptons 45 minutes pour un rôti de 600 grammes) en compagnie des sucs de cuisson récolté grâce à un déglaçage rapide opéré à l'aide d'un filet d'eau claire. Pendant ce temps, les légumes de votre choix (pour ma part : courgettes, carottes jaunes, carottes oranges, petits navets de printemps, jeunes oignons en botte, pommes de terre) seront cuits à la vapeur en commençant par les légumes requérant un temps de cuisson plus long (ne placez, par exemple, pas les courgettes avant les carottes sur votre vaporette ou dans votre bidule-machin électrique dernier cri). Une fois ce petit monde tendre à souhait, stoppez la cuisson. Dans une poêle, faites sauter quelques dès de poitrine de porc fumée dans un filet d'huile d'olive ; une bonne minute plus tard, ajoutez l'ensemble de vos légumes, un petit bouquet de jeunes branches de thym et un peu de fleur de sel. Faites sauter l'ensemble pendant cinq bonnes minutes ; en fin de cuisson, ajoutez les fûts des jeunes oignons émincés très finement à la poêlée.

Dix minutes avant la fin de la cuisson de la viande, disposez l'ensemble des légumes autour du rôti, saupoudrez de fleur de sel et de poivre noir concassé, puis placez le tout au four. À l'heure dite, découpez le rôti en tranches d'un bon centimètre d'épaisseur et servez comme bon vous semble... Tout ça se mange avec appétit et plaisir sans qu'il soit même nécessaire de songer aux coutumes et habitudes en vigueur. Un riesling autrichien ou du Baden-Württemberg (Bade-Wurtemberg, en bon français...) sera tout à fait en mesure d'escorter ce petit plat printanier (hum hum !...)

À vous de goûter !

samedi, mai 18

[Ce soir...] Filet de cheval braisé, échalotes au vin rouge, purée de pois cassés et sifflets de carotte pourpre




Hue dada, c'est reparti mon coco !

Nous vivons une époque bien tumultueuse où il n'est pas bon mettre un boucher dehors, sous le ciel vengeur, à la merci de la bruyante opinion publique devenue provisoirement « non-non-du-tout » après de longues années de paisible « oui-oui-à-tout » ; un vrai rôle de (dé)composition, s'il en est.

D'un excès l'autre, nous en sommes donc venus à la transparence aveugle sous peine de lynchage civilisé : des lasagnes très calzone, nous passons au bifteck de cheval nommé, daté, tracé, patenté et affublé d'une étiquette ronde et rouge agressive qui, en plus de nous rererecertifier la nature du mammifère abattu pour la bonne cause (curieux d'ailleurs que ce dernier taxon ne soit pas repris de manière visible à quelque endroit sur l'emballage, mais soit) en nous le nommant en grosses lettres et en prenant soin d'ajouter l'adjectif « frais », et ce en plus de nous imposer un idéogramme peu flatteur (la canasson modèle n'a pas été pris sous son meilleur profil, dira-t-on) et tout bonnement hébétant (bien qu'il viendra un jour où le petit dernier, à l'occasion des courses familiales du samedi matin, posera, sans dérision ni moquerie futile aucune, la question somme toute existentielle : « maman, les chevals (sic), ça vit dans l'eau douce ou dans l'eau de mer comme les nuggets Igloo ? »)...

De quoi pourrait donc bien être fait cet hypothétique simili-équidé dont on semble tant craindre une identité KGBienne sous-jacente ? Du chien errant habilement recyclé ? De ces fameux insectes qui nous pendent aux papilles si l'adage « tu ne mangeras pas de viande plus que de besoin et de raison » n'est pas rapidement greffé au poussiéreux et judéochrétien « aime ton prochain comme toi-même » ; lesquels hexapodes auraient le mérite d'avoir été foutrement bien alignés et fusionnés (sans doute à coup de saindoux ou de collagène de porc, allez savoir...) ? Ou bien serait-ce là simplement la manifestation opportuniste d'acteurs du nouveau marché fleurissant que représentent les aliments subversifs et controversés ? Un prix à la hausse (18,50 euros du kilo, tout de même) pour des consommateurs fascinés par un risque tranquille d'une palpitance modérée et finalement éventée ?

Tant de questions qui nous éloignent du (rouge) vif du sujet ! Pour rerésumer ma considération de cette sulfureuse source animale de protéines, je ne peux que développer les variations temporelles d'un verbe assez commun du premier groupe :

Manger du cheval

Indicatif imparfait, première personne du singulier : je mangeais du cheval
Indicatif présent, première personne du singulier : je mange du cheval
Indicatif futur simple, première personne du singulier : je mangerai du cheval

Nous voilà instruis et en appétit ! Quant à la préparation proprement dite, chassons donc le terne de la controverse à force de couleurs vives de saison : une purée de pois cassés aux pommes de terre et aux herbes (pour quatre personnes, faire revenir un oignon émincé dans de l'huile d'olive, ajouter deux gousses d'ail écrasées et dégermées, 300 grammes de pois cassés et trois grosses pommes de terre farineuses en morceaux, couvrir largement d'eau, y plonger un bouquet garni et une cuillère à soupe de gros sel ; mixer le tout après avoir égoutté), une carotte pourpre taillée en sifflets cuite à la vapeur avec quelques cristaux de fleur de sel déposés par-dessus juste avant le service, une bonne salade ponctuée du rouge vif de quelques radis fraîchement ôtés du sol... Les idées ne manquent pas. C'est le printemps, plus d'excuses !

Quant au cheval, le traditionnel lui siéra à merveille : les pièces seront braisées à feu vif puis réservées ; après avoir déglacé les sucs de cuisson à l'aide d'un verre de vin rouge, quelques échalotes émincées viendront y gigoter quelques minutes avant que la viande (dont les fibres auront pu se détendre un chouïa) regagne la poêle. Vous laisserez la cuisson se finaliser gentiment à feu moyen et assaisonnerez de fleur de sel et de poivre noir concassé. Selon vos envies, du beurre pourra alors être ajouté pour monter et lier la sauce. Classique des classiques ; à quoi bon démultiplier les saveurs quand quelques-unes satisfont appétit et appétence ?

Avec ça, nous pourrons nous délecter d'une robuste association cabernet sauvignon-syrah sud-africaine que propose la coopérative Thandi, qui, en plus de sa vocation « Fairtrade » et au-delà d'un slogan mièvre et mignard (With love we grow together) nous donne à boire un sympathique et complexe assemblage qui domptera à coup sûr notre impétueuse controverse sur assiette.

À vous de goûter !


samedi, mai 11

[Ce soir...] Crevettes géantes sautées, légumes tandoori au lait de coco sur riz basmati

 

« Mangez au moins cinq fruits et légumes par jour. »

« Plus votre assiette contient de couleurs, plus celle-ci sera riche et variée en antioxydants et autres nutriments bénéfiques. »

« Variez les textures ; vous n'en éprouverez que plus de plaisir à la dégustation. » 

« Blablabla. »


Si tous ces bons conseils de plus en plus médiatiquement matraqués peuvent apparemment être suivis sans trop de méfiance, tant nombre d'études et de dégustations ont eu tôt fait d'en valider la pertinence et d'en encenser les bienfaits, une épuisante frustration triquotidienne pourrait bien devenir la corollaire navrante de cette course à l'optimisation du bol alimentaire.

J'ajoute du rouge, je pose du croquant, trois légumes, un cru, deux cuits, je retiens deux, je multiplie par 7,25... Jouer les bouliers compteurs sophistiqués de la tambouille c'est risquer la foulure du lobe préfrontal, l'entorse de l'hémisphère cérébral droit...

Méningeons-nous, certes, mais ménageons-nous... Il est peu probable que les centenaires des régions les plus reculées et les moins avancées tant scientifiquement que technologiquement de notre sphère chérie aient une conscience précise de la teneur en quercétine de la pomme Granny Smith... Aussi, si la chance n'y est certainement pas pour rien quant au parcours prolongé de ces robustes Sapiens minoritaires, il est évident que le bon sens est régulièrement de la partie lors des innombrables (3 repas x 365 jours x 100 ans = un pain maousse sur la planche pour un seul système digestif...) préparations de repas.

C'est néanmoins à la limite de l'apoplexie nutritionnelle (osons les exagérations exagérées) que j'ai souhaité tenter l'expérience de la pluralité alimentaire optimale... Hélas, en tant qu'indécrottable bipède de chair et de sang gouverné avant tout par les sens et les émotions, il est bien possible que je n'aie pas eu la froideur suffisante pour privilégier la santé au détriment du goût... Je vous laisse juges.

Oignon, carotte, courgette, poivron jaune, ail... nous voilà bien partis pour les couleurs et les textures ! Tout ce petit monde émincé frétillera tout d'abord dans un trait d'huile d'olive avant d'être saupoudré de mélange d'épices tandoori et arrosé d'une bonne lampée de lait de coco (pour rappel : la marque Suzi Wan propose un produit naturel sans composant douteux et/ou inutile) ; quelques grains de poivre de Sichuan écrasés rejoindront l'ensemble et infuseront jusqu'au terme de la cuisson. Au besoin et selon les goûts, ajouter du mélange tandoori et éventuellement une pincée de poivre de Cayenne. J'ai, pour ma part, choisi d'ajouter quelques coques en conserve pour intensifier le côté iodé de l'ensemble ; il semblerait toutefois que la puissance du mélange d'épices ait eu raison de ma tentative : je me passerai de coques la prochaine fois.

Dans une autre poêle, les crevettes seront sautées à feu vif dans un peu d'huile d'olive. Un trait de sauce soja viendra les napper en fin de cuisson. Pour le service, déposer une portion de riz, arroser d'une louche de légumes tandoori et terminer par les crevettes ; ponctuer éventuellement d'un peu de ciboulette fraîche hachée. Au reste, si vous souhaitez pousser le vice jusqu'à la paroxystique vertu, n'hésitez pas à remplacer le riz basmati par du riz complet.




Voilà, voilà... Un bel éventail de légumes, pas mal de couleurs, moult textures... Le contrat physiologique et longévitaire (n'ayons pas peur des néologismes...) semble rempli. Y aurait-il du goût ? Du plaisir ?! Vous m'en verriez ravi et même comblé...

Sans le crier sur tous les toits, accompagnez donc ce plat d'un verre de gewurtztraminer alsacien ou de votre chardonnay préféré du nouveau monde ; aux féroces psychorigides de la pitance, vous n'aurez qu'à avancer une inédite interaction positive entre le vin blanc et les crustacés (si si, l'étude vient de paraître !)











À vous de goûter !


mercredi, mai 1

[Papilles aux aguets] L'ail des ours

  

Tandis que vous déambulez dans le bois le plus proche à la recherche de la fameuse plante dont le prix au kilo de clochettes pourrait bien avoisiner celui du caviar bélouga, voilà que vous tombez, entre autres, sur un végétal dont les feuilles sont très semblables à celles qu'arbore le fameux emblème onéreux du jour... Curieux et avide d'ajouter un énième brin à votre bouquet, vous vous penchez et fouillez de votre main la touffe en question... Ô désespoir ! l'inflorescence est configurée en ombelle et non en grappe ; il ne s'agit donc pas de muguet. Et pour noircir davantage le tableau, le fleurissement est encore loin d'être abouti.

Tout cela est parfaitement normal. Vous venez de faire la connaissance de l'ail des ours (Allium ursinum, de son petit nom latin) ; les amalgames entre les feuillages sont, au reste, assez fréquents en cette période, étant donné que les deux plantes commencent à pousser plus ou moins au même moment (vers le mois d'avril, lorsque la météo est de la partie), bien que l'ail des ours reste présent dans nos bois jusqu'au mois de juin.

Néanmoins, vous avez certainement, consciemment ou non, détecté une caractéristique majeure qui permet de différencier aisément les deux plantes ; en effet, tandis que vous brassiez le feuillage à la recherche (vaine) d'un brin de muguet, il est très probable qu'une odeur assez prononcée vous soit montée aux narines, un parfum frais et corsé à la fois rappelant tantôt l'ail cultivé, tantôt la ciboulette. L'odeur est le premier marqueur qui vous mettra la puce à l'oreille ; n'hésitez donc pas à titiller les feuilles, voire à en déchirer un petit morceau afin d'en avoir le cœur net (l'expression n'est, du reste, pas anodine, étant donné que toutes les parties d'un plant de muguet sont toxiques et contiennent pour la plupart des substances nocives potentiellement à l'origine de pathologies cardiaques).

Autre repère important si vous souhaitez définitivement écarter le moindre doute : la disposition et la structure du feuillage. Ainsi, si les feuilles du muguet poussent directement depuis la tige centrale du plant, de laquelle elles font partie intégrante, celles de l'ail des ours, en plus d'être constituées d'une hampe individuelle, naissent de la base de la tige centrale et s'écartent assez bien de l'inflorescence. Vous trouverez ici une illustration assez éloquente de la chose. (À noter : la présence du colchique parmi les feuillages exposés ; s'il est vrai qu'une confusion reste possible, celle-ci demeure très rare, étant donné que les deux plantes ne poussent pas à la même période de l'année [le colchique commun pousse en automne dans nos contrées]).

Bien bien... Après toutes ces considérations botaniques, qu'en advient-il de nos papilles ? J'y viens, j'y viens. Le meilleur pour la faim !... Rassurez-vous, je ne vais pas vous proposer une mixture douteuse ou une potion relativement infâme (et pourtant certainement pleine de vertus, d'autant que l'ail des ours peut se targuer de posséder pratiquement toutes les propriétés bénéfiques de son cousin cultivé), que l'imaginaire collectif associe généralement aux plantes sauvages récoltées dans les sous-bois... Non, une fois n'est pas coutume, je vais vous parler cuisine...




Les feuilles d'ail des ours fraîchement cueillies n'ont pas besoin d'être longuement travaillées. À l'instar du basilic, l'ail sauvage pourra ainsi très bien constituer l'élément principal d'un pesto maison. Pour ce faire, les feuilles seront simplement rincées et égouttées, avant d'être sommairement découpées puis déposées dans le bol du mixer avec de l'huile d'olive et de la fleur de sel.






Une dizaine de secondes de mixage plus tard, le petit condiment bien costaud et parfumé est fin prêt. Il serait également envisageable d'y ajouter tomates séchées, pignons de pin grillés et autres idées personnelles ; le sort de votre pesto est entre vos mimines !








Ajouté comme assaisonnement à une salade de concombre, incorporé à une assiette de pâtes fraîches toutes chaudes ou simplement déposé sur un petit toast de pain grillé... Voilà une idée de préparation qui offre un large éventail de possibilités  !

À vous de goûter !



[Papilles aux aguets] L'onglet de bœuf





Je tiens tout d'abord à m'excuser auprès des personnes choquées par la vue du sang ou de la viande fraîche ; considérez ceci comme une entrée dans le (très) vif du sujet, laquelle vous permettra de passer votre chemin sans regret et, par conséquent, de ne point perdre votre temps.

L'onglet de bœuf, sujet bien complexe et très simple à la fois ; vedette des cartes de brasseries et de restaurants orientés carnivores, la pièce de viande en question est assez rarement apprêtée de manière très exotique. Si la préparation la plus simplissime (simplement saisi au beurre) lui convient parfaitement, c'est avec son éternelle acolyte l'échalote que l'onglet fera la plupart de ses apparitions.

Or, malgré cette popularité on ne peut plus manifeste, il semblerait que la plupart d'entre nous soient assez bien déçus du résultat à l'issue d'une tentative de cuisson « maison ». Si la garniture ne pose généralement aucun problème, c'est bien ladite viande qui se montrerait moins coopérative sur nos feux vifs domestiques. Il en ressort généralement quelque chose de coriace et d'assez peu agréable à manger...

M'y prends-je mal ? Ai-je mal choisi ma viande ? Suis-je maudit ? Les questions abondent, et l'appétit se détériore... Si vous êtes de ceux qui ont sérieusement mis en doute leurs aptitudes culinaires face à un tel quasi fiasco à l'échalote, je ne saurais que trop vous rappeler la règle d'or suivante : un onglet n'est pas un steak.

Ainsi, si la plupart des principes applicables à la pièce de bœuf lambda doivent également être respectés lors de la cuisson d'un onglet (poêler à feu vif jusqu'à coloration, procéder à deux cuissons et laisser reposer la viande entre les deux, saler au dernier moment), il est un point primordial qu'il convient de respecter avant même de songer à la cuisson : dénerver la viande.

À cet égard, à moins que votre boucher ait eu l'extrême sympathie de vous bricoler un onglet qui ne devra plus qu'être poêlé, je ne vous recommanderais que trop de suivre la démarche claire et illustrée reprise ici (celle-là même à laquelle se réfère systématiquement votre humble serviteur). Un peu de travail supplémentaire certes, mais le jeu en vaut le charnel, croyez-moi...

Résultat des courses (bovines et non équestres, je vous assure) ? Une viande fondante, goûteuse, aux fibres bien détendues et dont la tendreté vous rappellera à coup sûr les plus sublimissimes bidoches dégustées depuis que vos canines vous en laissent le loisir...

À vous de goûter !