dimanche, octobre 27

[Rond de carotte] Choux de Bruxelles et anchois carbonarisés



À l'heure de la consumérisation maraichère où des tomates d'un autre monde sont bradées parmi petits pois incongrus, radis inopinés et (tout de même) quelques champignons de saison (ramassés on ne sait trop où dans quelque pays non identifié d'Europe de l'Est) ; où crevettes et calamars (également appelés depuis peu « organe interne terminal porcin ») planouillent paisiblement par-dessus les continents ; où les modèles culinaires d'antan finissent dénaturés à force de crème stérile et de charcuteries rose Malabar... Il n'est pas question de renoncer à la pitance. Grève de la faim, castration gustative, ça ferait un peu bobo au gros système, c'est sûr... Mais c'est le moral, en plus de l'estomac qui nous chuterait dans les talons, bien bas s'ils sont longs...

Si les pâtes à la sauce tomate, carnée ou non, maison ou dépotée, restent indéniablement un sacerdoce réconfortant (le rouge n'aurait donc pas que la faveur des bovins mâles), il ne nous tombera pas, sur nos petits crânes de consommateurs dociles et bien pensants, une foudre réprobatrice si nous nous tournions vers une autre dimension, sans trop de fantaisie, d'un axiome qui, par définition, n'est ni vraiment contestable ni réellement défendable.

Nul vil détracteur ne viendra donc, je pense, me houspiller le verbe si, en lieu et place de la bolo de facto ou de l'arrabiata repetita, je confrontais la tradition traditionnelle que d'aucuns délaissent (une sauce carbonara se fait sans crème, je vous le jure !) à une originalité modestement saisonnière et peu agressive (un choux de Bruxelles ne mord pas, qu'on se le dise).

Dans le cas contraire, le réquisitoire tiendrait en peu de mots : l'accusé s'est livré à l'ignoble acte d'avoir mélangé ses pâtes (de sarrasin, en l'occurrence) cuites à l'eau dans deux œufs battus auxquels furent illicitement ajoutés du poivre noir moulu, de l'origan et quelques anchois salés à l'huile finement hachés en lieu et place de parmesan râpé... (L'assistance indignée d'entonner en chœur : Oooooooooh !). Votre honneur, voici le plus grave : après les avoir précuits sans vergogne à la vapeur, le prévenu, ayant coupé les plus grosses pièces en deux, a osé déposer sur sa tambouille frauduleuse quelques choux de Bruxelles frais complices juste poêlés. Votre honneur, je requiers une peine sévère pour cet ignoble individu qui, non content de se départir des usages normaux et convenus, n'éprouve aucun remord à l'idée de s'être mitonné une assiette outrancière et extravagante pour un prix inférieur à 6 euros pour deux couverts... (L'assistance de reprendre outrée : Ooooooooh !)

Coupable, plaide-je.

À vous de goûter !

mardi, octobre 22

[Rond de carotte] Burger de boudin noir aux baies roses et graines de sésame grillées, oignons braisés sur purée fine de pois cassés




C'est bien fortuitement que je pousse à nouveau la porte de cette nouvelle rubrique en bas âge toute fraîche. Une idée, un festin, et puis une addition approximative, juste pour voir... Bonne surprise : on n'atteint, encore une fois, pas les 6 euros pour deux couverts !

Une surprise ? Pas vraiment finalement. On a là un beau conglomérat de produits de pauvre par excellence : des pois cassés secs, une carotte, un oignon blanc, du boudin noir salé... Tous ces produits, même mis bout à bout, ne risquent pas de faire frémir le cuir éprouvé de nos magots portatifs parfois aux abois.

Aux marmites, nulle foulure ni entorse. La purée de pois cassés, c'est une purée classique avec 80 % de pommes de terre en moins, lesquelles sont remplacées par 90 % de pois cassés et 10 % de carottes. Mais je vous laisse calculer tout ceci tranquillement... De l'eau, du bicarbonate de sodium pour un vert qui enlace l'œil et surtout une dose de matière grasse de votre choix pour éviter de transformer irrémédiablement votre tambouille prometteuse en une spécialité islandaise de renom : le geyser. Car ces trois légumes d'apparence tranquille et placide ont l'amidon espiègle et connivent, qu'on se le dise !

Dans le pire des cas, vous pourrez mixer et assaisonner (de sel et de poivre) l'ensemble cuit à point après une demi-heure, une période que vous aurez pris soin d'occuper en récurant avec rage et application votre table de cuisson verdâtre d'écume (hé oui, je vous avais prévenu...) ; les quelques minutes restantes, vous les avez consacrées à la cuisson du boudin et des oignons. Quelle bonne idée ! L'oignon, découpé nonchalamment en rondelles de calibre moyen, est assez vite débarrassé dans une assiette après avoir été rapidement sauté à la poêle dans un peu de matière grasse jusqu'à tendreté.

C'est alors qu'intervint le boudin, lequel soigneusement dénudé de son boyau étroit fut écrasé impitoyablement d'une fourchette ferme et arbitraire. Le boudin émietté gagna alors docilement la poêle vide et encore chauffée qui servit pour la cuisson des oignons. Remuée sans cesse afin qu'elle ne brûle pas, la viande, dont les saveurs furent ainsi concentrées, fut ponctuée d'une cuillère à café (pour deux boudins) de graines de sésame grillées et d'une dizaine de baies roses pilées. Remué de nouveau, l'ensemble put quitter le feu.

On l'a tous bien compris : on est assez loin d'un plat indiscutablement fin et délicat ; l'on eut pu dès lors se contenter d'un dressage classique et subdivisé qui n'eût choqué personne (même pas vous). Il n'empêche qu'on ne se fait jamais suffisamment plaisir à mon sens... Alors jouons peu, jouons bien. Il ne s'agit pas là de faire faire des cabrioles graphiques à votre boudin noir qui s'en trouverait tout confus... Visons (sans les poils, car ça colle aux papilles) une présentation gourmande et nette et tâchons d'amplifier les gargouillis. Un emporte-pièce circulaire large maintenu au centre de l'assiette que l'on garnira de l'ensemble des ingrédients superposés permettra à la fois d'obtenir une surface de purée géométriquement circulaire et un burger bien tassé entouré par-dessus par-dessous de quelques rondelles d'oignons.

Bon, pour conclure, je dois l'avouer : les baies roses et les graines de sésame grillées ne sont pas réellement des marchandises associées à un budget courses restreint. Or, si l'on considère le prix de chacun de ces deux produits (environ 3 euros pour 250 grammes de graines de sésame et 2 euros le petit pot de baies roses sèches) ainsi que les (infimes) quantités nécessaires pour cette recette, la facture parait tout de suite bien dérisoire...

Et puis, comme toujours, qui vous empêche de remplacer, de transgresser ? Céleri rave au lieu de pois cassés, raisins secs et noix pour le burger qui pourrait lui-même être constitué de boudin blanc... Vos idées avant tout. Philosophie dans le boudin noir, comme l'aurait dit un certain marquis en appétit (ou appétence, dans son cas propre...)

À vous de goûter !


jeudi, octobre 17

[Rond de carotte] Stoemp de poireau et foie de morue



Badaboum ! Nouvelle rubrique...

Une idée soudaine ? Certes. Pour fêter le cap des 40 000 visiteurs du blog ? Bonne idée !

Mais ne brusquons pas les étapes. Si cette catégorie spécifique se veut mettre en avant quelques possibilités de gueuleton à (très) faible coût, elle n'en deviendra pas un prétexte aux effusions larmoyantes et dramatiques, aux inutiles et répétitifs « à bas la crise » comme aux ridicules et éculés « vive la récup' ».

Alors voilà le topo : si vous veillez à votre budget et que les conserves premier prix ou les plats préparés blêmes et plastifiés vous lassent, ou bien si vous faites la grise mine et le foie jaunâtre face à vos quotidiens demi-litre de Gevrey-Chambertin et tournedos Rossini ponctué de ses lamelles de truffe blanche, il n'est pas impossible que vous ne perdiez pas votre temps en lisant ces quelques modestes articles.

Un peu d'organisation ! Sans tomber dans la pédagogie assommante, il faut que tout ceci vous serve. Alors : tarif !

Pour deux personnes :

- 3 poireaux de taille moyenne : +- 1 €
- 700 grammes de pommes de terre Bintje : +- 1,5 €
- Une boîte de 120 grammes de foie de morue : entre 2,5 et 3 euros
- Une belle échalote : euh... disons 0,25 euro

1 + 1, 5 + 3 + 0,25 = 5,75 € ! Le voilà notre repère suprême : un repas équilibré pour deux pour 6 euros maximum.

On pourrait s'imaginer un dur labeur pour ce prix ; des gestes et des gestes à accomplir, une vaisselle sisyphéenne... Eh bien, pas vraiment. Une casserole, un peu d'eau et c'est tout. Pour le stoemp, je ne pense pas vous prendre en défaut : les pommes de terre coupées en dés grossiers et les poireaux en tronçons d'un centimètre et demi sautent dans un peu de matière grasse (que je ne compte pas dans l'addition, car vous la possédez déjà), un peu d'eau juste pour couvrir et 15-20 minutes de patience.

Une fois les pommes de terre tendres à friables, vous égouttez, vous écrasez, vous ajoutez échalote, sel et poivre... et pour lier le tout, ne perdons rien, gardons tout, utilisons l'huile exsudée du foie de morue contenue dans notre conserve. Outre son goût fumé et iodé légèrement atténué par le volume et les saveurs des légumes, elle conférera à ces derniers une onctuosité sans pareil, et je ne mentionne même pas les nombreux bienfaits qu'elle apporte et qui ne sont plus à prouver.

Tout ce petit monde n'a alors plus qu'à être monté esthétiquement à l'aide d'un emporte-pièce circulaire (ou octogonal, si ça vous chante...) afin d'accueillir, comme il se doit, le petit plaisir de la mer : sa majesté le foie de morue et sa légère couronne de fleur de sel.

Bon, à ce prix-là, on peut envisager une folie raisonnable : un petit riesling allemand sans prétention qui aura le don de ponctuer ce savoureux gueuleton pour pas un rond (ou presque).

À vous de goûter !

dimanche, octobre 6

[Papilles aux aguets] Choco (Delhaize) : sans huile de palme, Monsieur !






Voilà qui mérite d'être crié à tue-tête et sur tous les toits, à tel point que les opposants au lobby du tabac paraîtraient presque une bande de freluquets schtroumpfs à lunettes en schtroumpfparaison. Oui, oui, il est possible de concevoir un poison un peu moins empoisonné, histoire de voir les choses avec la tartine à moitié vierge.

Gardons la texture onctuo-collante, laquelle, depuis des générations d'occi-vilisation moderne, ponctue les petits doigts de nos progénitures qui évoluent alors, tactilement hélas, dans nos intérieurs proprets, au gré des curiosités à palper. Ah, les publicités ensoleillées, souriantes, aux couleurs vives, aux familles sans histoire toutes de félicité vêtues... Un arsenal bien construit pour nous faire avaler sans heurt couleuvres sucro-grasses par palettes.


                                                       

Gardons aussi le sucre comme premier ingrédient, avec le cacao (7,4 %, snif...) relégué loin loin, à la quatrième place, derrière l'huile de tournesol non hydrogénée et les noisettes (13 %, un peu mieux, mais re-snif quand même...). À ce niveau, c'est chou-crème et crème-chou par rapport au pseudo-démonopolisé que l'on sait du groupe Ferrero : un coup monté, une émulsion grasse très sucrée brunâtre à la forte odeur de noisette (notez la présence du très sibyllin « arôme » à la fin de la liste des composants, qui laisse poétiquement suggérer quelques ajouts pour faire mouche). Mais différence il y a, cher lecteur. Regarde bien... C'est précisément à la deuxième place qu'elle se situe. Oui, tu as bien lu... les mystérieuses huiles végétales, certainement issues d'une mixture gloubiboulguesque à la rentabilité éprouvée, ont été remplacées par une huile plus correcte pour nos petits corps : l'huile de tournesol. Par ailleurs, plus loin dans la liste figurent d'autres substances grasses tout aussi proclamées (beurre de cacao, noix de coco), lesquelles devraient ne pas trop faire sursauter les plus vigilants d'entre nous au beau milieu du rayon Petit-déjeuner.

Bon, et en bouche, ça donne quoi ? Le test a été effectué par mes soins auprès d'une jeune afficion-accro de six ans. Sitôt la tartine posée sur la table, sitôt les lèvres se furent prolongées de deux traits ébènes irréguliers soulignant le sourire malicieux et encore insouciant de la dégustatrice satisfaite. Après bref questionnement et test personnel (bien que je m'en sois désintoxiqué, il y a plusieurs années déjà), j'en viens à conclure que le produit ressemble à s'y méprendre à The Famous Nutella. Eh bien, pourquoi pas, ma foi...

En somme, qu'avons-nous là ? On évite heureusement l'écueil du produit-militant-sachant-militer-sur-tous-les-fronts-mais-que-personne-n'apprécie-de-déguster (rappelez-vous : le Faux Gras). On ne peut pas non plus dire que la tentative est malhonnête ; l'unique promesse proclamée (l'absence d'huile de palme) est tout à fait tenue. Le véritable défi se résumait finalement à deux choses : proposer un produit identique au leader du marché (gagné) pour un prix similaire (re-gagné ; le prix au kilo est même moins cher de quelques cents par rapport à celui du Nutella !). Après demeure la problématique de proposer à la jeunesse (et à la jeunesse vieille, comme disait le Grand Jacques ; pas celui du chocolat, celui qui faisait un véritable tabac, au sens figuré s'entend) un produit constitué en grande partie de sucre et de gras... C'est une évidence : la fin des mauvais réflexes n'est pas pour demain, mais ça, c'est un autre débat.

À vous de goûter !



vendredi, octobre 4

[Ce soir...] Quasi faux Wok de faux fond de frigo avec vrai poulet et vrai curry... vous suivez ?






...mais oui, vous suivez ! Et puis, il y a rien à suivre ! Un wok, c'est toujours pareil, mais c'est jamais le même ! Bon, là, je sens que je vous perds... Il faut dire que j'euphorise niais, que je blablate bébête... Revenons à nos oignons, occupons-nous de nos moutons : un wok (around the clock...) c'est un vrai communisme, que dis-je ! Une douce anarchie : pas de prioritarisme (grand mot pour une rime de carton pâte...), pas de hiérarchie ! Plongeon collectif de tout ce qu'on veut dans la chaleur de la matière grasse impartiale ; fristouillage sans favoritisme...

Tiens, deux vendredis, deux woks... Routine naissante, rituel plaisant. Eh oui, c'est en cette fin de semaine de début d'automne, devant la boîte carrée à images et de plus en plus vide d'idées, que crépitèrent mes lamelles de légumes (oignon rouge et blanc, courgette, poivron rouge, courgette, pomme) et poulet relevées de curry, d'un bon trait de sauce soja, parfumées de poivre de Sichuan... j'insiste : cette technologie persistante et automatique incitant à des passivités quotidiennes, si elle nous offre de vraies fausses coïncidences agréables (au royaume des séries et programmes de télédébilité, les ultimes bons films sont frêles aiguilles dans une botte de rien), ne peut s'empêcher de nous livrer ses mercantilistes ganacheries que d'aucuns gobent comme des petits pains au soleil (vous voyez un peu l'image ?). Non mais... Comment peut-on conseiller Solo liquide pour la cuisson d'un Wok ? Comment peut-on même imaginer flanquer des poireaux surgelés à la crème Igloo dans un gratin de poisson « maison » (regardez comme je graisse bien mes guillemets) ? Blabla, que du vide, que du vent...

Et pendant ce temps-là, nous nous affairons, humblement, tranquillement... Déjà, nos lamelles et nos gousses d'ail pilées ont perdu pas mal de leur eau de végétation ; aussi, quand la masse d'aliments a sensiblement décru, c'est au tour du lait de coco de venir rejoindre le méli-mélo parfumé. Pour la circonstance, j'ai choisi un produit que je souhaitais découvrir : une conserve de 400 ml de la marque Alter Eco contenant un produit équitable et issu majoritairement de l'agriculture biologique provenant du Sri Lanka... Fort bien, mais qu'en est-il en pratique ? Tout d'abord, belle surprise quant au prix : un rien moins cher que la marque que je choisis habituellement (Suzi Wan) ! Pas grand-chose à dire non plus quant au produit en lui-même : de la noix de coco, de l'eau et de la gomme guar (un stabilisant naturel). Le goût, c'est la vraie bonne nouvelle : bien que peu homogène (je suis tenté de dire : gage d'un produit naturel, même si ce n'est aucunement une vérité officielle ni immuable), le produit pourrait se manger à la petite cuillère et sans fin : c'est bon comme du petit lait, ça se boit comme du bon pain !



Bon, je sais, on n'ajoute normalement pas autant de liquide à un vrai wok ; les aliments doivent chauffer à température très élevée jusqu'au service... Mais ai-je dit que je ferais de l'académique ce soir ? Suis-je moi-même académique ? Qui suis-je d'ailleurs pour le prétendre, pour le suggérer ? Je vous propose une modeste mascarade, et j'espère que la vile et licencieuse interprétation que vous en ferez sera diablement bonne.

À vous de goûter !