vendredi, avril 26

[In vino, etc.] Riesling « R » 2011, Wachau


Voilà de quoi fêter dignement un vendredi soir tout de pluie et de gris vêtu ; un moment où la claustration douillette s'avère salutaire, voire essentielle. Il en va de votre week-end, ne négligez pas votre première véritable soirée de relâche, ou Feierabend, comme le dirait tout germanophone qui se respecte. Et nous y sommes. En plein dedans. Bien plus à l'est et tout de même pas mal au sud de mon petit plat pays, au cœur de la patrie de Wolfgang Amadeus, de Sissi et du Danube.

Trêve de lieux communs. Ce soir, il en va du plaisir, de la délectation éphémère mais qui restera assurément bien ancrée dans la zone « plaisirs » de nos consciences respectives, pour un week-end, pour une semaine, et plus si affinités. Il s'agit là d'un vin blanc de cépage riesling qui n'a absolument rien à envier à ses cousins luxembourgeois, alsaciens et allemands...

Bien au contraire, tout suggère le grand vin : une rondeur idéale, un équilibre acide-sucre impeccable, un chouïa d'amertume et un côté gras qui lui ferait tenir tête à la plus tumultueuse des choucroutes... Nous avons là du costaud fin, du puissant délicat, rien de lourd, rien qui tabasse... Un vin dont on se souvient, même lorsque l'on n'y connait pas grand-chose en bonnes bibines...

Et pour apprécier au mieux le moment, en solitaire ou en agréable compagnie, pourquoi ne pas accompagner le noble breuvage autrichien d'un modeste en-cas qui lui rendra honneur ? Rien de trop costaud ni de trop frugal ; pensons terroir : une pomme de terre Bintje farcie à base de truite saumonée (cuite sur peau, assaisonnée de fleur de sel au nori), d'échalotes fraîches, de fromage blanc, de ciboulette, de poivre blanc et de crevettes grises. Un petit jus de citron, une laitue toute fraîche et voilà un week-end qui démarre sous les meilleurs chapeaux de roue.



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Le Riesling « R » est disponible chez Delhaize pour environ 8 euros.

À vous de goûter !

mardi, avril 16

[Papilles aux aguets] Pâté aux légumes méditerranéens Mr. M





Vous l'aurez sans doute déjà compris, je suis loin d'être un adepte du prêt-à-manger bien conditionné, bien présenté, mais surtout bien cher et parfois bien trompeur, voire odieusement menteur... J'ai déjà tant parlé des foies gras cylindriques, des raviolis gluants (miam !) et autres joyeusetés extraites à la chaîne à coup d'air comprimé dans des récipients tous identiques déposés de manière équidistante sur un tapis mobile adoptant une vitesse de croisière savamment étudiée.

Or, comme le veut la tradition traditionnelle, toute grande règle a son exception ! Ainsi, ce produit à l'allure plutôt élégante, tantôt moderne si l'on en considère les couleurs, tantôt campagnarde si l'on se penche sur le conditionnement et la charmante petite pièce de tissu déposée et fixée au couvercle (élément tout à fait inutile, mais qui aura tôt fait d'attendrir les plus vulnérables d'entre nous), reste une agréable surprise, et ce même à l'issue de l'étape fatidique de la dégustation.




Et la dégustation, parlons-en ! Un premier bon point : le produit a autant d'allure que son emballage : de belles couleurs, une texture brillante qui met en appétit ; sceptiques parmi les incrédules, j'ai tout d'abord mis cette réjouissance sur le compte d'une mauvaise lecture de la composition... Eh bien non, relecture après relecture, les éléments restent les mêmes : champignons sautés (17 %), oignons (16 %), poivrons (15 %), huile de colza, oignons réhydratés, dextrine, amidon, eau, haricots verts (5 %), huile d'olive (3 %), tomates séchées au soleil (2 %), sel, farine de moutarde, herbes, protéine de petits pois, jus de citron, levure sec (sic) inactive, épices. En somme, rien de fondamentalement mauvais ; la priorité est même très clairement axée sur l'emploi d’ingrédients naturels.

Le goût est une nouvelle satisfaction : c'est savoureux, parfumé, ni trop sucré, ni trop salé, pas trop gras ; ça tient tout à fait la route, même si le nom de tapenade ou de tartinade serait une dénomination bien plus conforme à la densité du produit et à son aspect général. On l'étale rapidement sur un toast ou un segment de baguette... Oh et puis, on en reprend un chouïa, ça se laisse manger !

Bien évidemment, on pourrait attaquer le produit sous nombre d'angles : la proportion minoritaire de légumes dits méditerranéens (laquelle contraste, en effet, par rapport au fier intitulé bien visible), l'impression qu'« on pourrait très bien le faire soi-même ! » (à titre personnel, je ne passerais vraisemblablement pas mon temps à rassembler autant d'ingrédients pour les réduire en un produit unique dont je ne serais pas persuadé du résultat final), le prix (environ 2,50 € le pot de 100 gr, ce qui peut effectivement paraître élevé pour une petite quantité de purée de champignons, oignons et poivrons)...

Mais nous avons là du goût, du naturel et une relative honnêteté par rapport aux promesses de base... Aussi ne vous conseillerais-je que trop de laisser un instant vos éventuelles velléités militantes au vestiaire afin de goûter un produit qui certes ne prétend rien défendre ni revendiquer, mais qui ne poussera très certainement pas à l'indignation générée par une soi-disant équivalence à peine comestible (cf. l'article [Papilles aux aguets] Le Faux Gras de ce même blog) ; au reste, si cette petite initiation ne risque, en aucun cas, d'ébranler vos stricts principes tout à fait louables, il se pourrait que vous y gagniez même le sourire.

(disponible notamment dans les magasins de l'enseigne Delhaize)

À vous de goûter !

dimanche, avril 7

[Ce soir...] Côte de porc à l'berdouille



En période de vache maigre, mangeons du porc gras, prétendrait (ou prétendra, désormais) une célèbre (hum...) maxime montoise. Si, à l'instar de certains autres mots d'esprit (re-hum...), ces propos ne doivent, de préférence, pas être pris au premier degré, ils décrivent toutefois avec pertinence (je crois qu'il vaut mieux que j'arrête les « hum »...) les contours d'une nouvelle philosophie alimentaire qui s'ébauche peu à peu, tandis que les pépètes filent davantage dans le réservoir de carburant que dans le caddie de supermarché.

Car, en termes de prix, le porc, c'est finalement le moins pire, si l'on met de côté le cheval, bien que l'on puisse, depuis assez peu de temps, l'acheter au prix du bœuf sans même sans rendre compte (on n'arrête pas le progrès...). Ainsi, si le porc, tout comme le pauvre équidé tant conspué, pourra être utilisé comme succédané crapuleux de la royale viande rouge devenue rare sur les tables de Monsieur et Madame Classe-moyenne-et-en-deçà, moyennant néanmoins une transformation bien plus musclée afin de savamment anéantir cette maudite différence de couleur et de texture initiale, il reste indéniablement un choix économique raisonnable pour les foyers les plus modestes désireux de consommer une bidoche correcte...

Or, il est une évidence que le porc n'a aucunement à rosir face à ces vaniteuses volailles et vaches outrecuidantes. Même sa réputation de viande grasse ne pourra réellement lui porter préjudice ; pour éviter le trop de gras, vous en mangerez moins et vous augmenterez la quantité de légumes de saison pas trop chers... Ou comment démultiplier les économies sans véritablement s'en apercevoir.

Pour suivre cette logique, commençons par quelques idées végétales simples pour compenser la dimension grassouillette de ladite viande. Si une laitue (elles reviennent enfin sur les étals des marchés, hip hip hip enfin !) tout simplement assaisonnée (sel, poivre, huile d'olive et vinaigre blanc) sera le juste contraste, elle sera agréablement secondée d'une salade de carottes rappées bien vinaigrée et poivrée (du poivre blanc de préférence), voire d'un chicon braisé à l'ail bien tendre pour tenter une association « cru-cuit » des garnitures.

Comment ? Vous souhaitez accompagner vos accompagnements ? Bon, si vous y tenez... Dans ce cas, revenons à nos cochons et notamment à l'un des morceaux les plus populaires de l'animal : la côte ou côtelette, de son charmant diminutif. Choisissons-la avec os, désossée, avec couenne, découennée, nature ou présalée, peu importe ; la cuisson sera peu ou prou identique : poêlée à feu vif, chaque pièce sera colorée sur ses deux faces puis mise de côté. Par micropatriotisme (un néologisme idiot pour un concept idiot) ou par simple envie du moment, je me suis laissé inspirer par le plat officiellement patrimonial de tradition montoise (adjectif relatif à Mons, la ville du plat pays qui a vu naître votre serviteur et qui compte un deuxième singe parmi ses citoyens, muet et en bronze, celui-ci). Son petit nom vous mettra, j'en suis persuadé, l'eau à la bouche ; il s'agit de la « côtelette à l'berdouille » (côtelette à la boue, en bon français).

Miam, miam à souhait, n'est-il pas ? Que peut-il donc bien se cacher derrière ce magnifique intitulé ? De quoi peut bien se composer cette... boue ? Je vous le donne en mille : de tout et de rien, voire de bien des choses, selon l'humeur du confectionneur tout-puissant. Si certains y mettent de la bière, tandis que d'autres préconisent le vin blanc, si une recette familiale reprend le concentré de tomates parmi ses ingrédients, alors que les cornichons se trouvent en nombre restreint par rapport aux échalotes selon la recette du restaurant du coin, tous les constructeurs amateurs ou professionnels de ce plat du jour par excellence s'accorderont sur l'élément constitutif de la fameuse « berdouille » : la moutarde. 

Ajoutée aux condiments émincés (généralement des cornichons au vinaigre et des échalotes) poêlés dans les sucs de cuisson de la viande, puis déglacés (au moyen de vin blanc, de bière, voire d'eau claire), elle sera le liant, elle sera le piment, elle sera le succulent. Une fois cette base assise, ce sera à votre sensibilité de prendre la relève : concentré de tomates, crème... en n'oubliant surtout pas une belle dose d'estragon (de préférence frais et ciselé, en saison), sans quoi la berdouille ne sera que triste flaque sans remous.

Mais c'est que notre viande paraîtrait misérable face à la cohorte de légumes qui l'accompagnent ! Aussi, comme il nous a été prouvé par a + b comme 2 et 2 font 4 qu'il était nécessaire que nous mangions équilibré, équilibrons notre assiette en y ajoutant une poignée de frites bien de chez vous et en l'accompagnant du vin blanc ou de la bière à la base de la berdouille.

À vous de goûter !

samedi, avril 6

[Ce soir...] La/les carbon(n)ade(s) flamande(s)



 
 

Énième facette du diamant des viandes en sauce, limitrophe du bœuf bourguignon, non loin de la blanquette, la carbonnade flamande reste un plat indétrônable du plat pays et du ch'ti nord. Or, comme pour tout bon plat traditionnel, il n'existe pas UNE recette mais un nombre substantiel de variantes ayant chacune leur histoire (à l'instar de l'intitulé du plat qui, selon les versions et autres données étymologiques plus ou moins contradictoires, s'écrira de plusieurs manières différentes ; cf. le titre de l'article). Ainsi, si Tata Lucienne y met de la poitrine fumée pour les jours de fête, Pépé Roger évitera les carottes, car il n'aime pas vraiment ça, les carottes...

J'ai donc suivi cette même logique afin de mitonner MA version de la carbonnade selon mon humeur du moment. Pour ce faire, je me suis procuré un bon kilo de « viande à carbonnade » (ou, si votre boucher fonctionne encore dans les règles de l'art : de la joue de bœuf, du collier ou du jarret), quatre grosses carottes (désolé Pépé Roger...), quatre oignons blancs moyens, trois feuilles de laurier, deux bouteilles de 33 cl de Chimay bleue (histoire de consoler Pépé Roger...), deux tartines de pain blanc écroutées (avec les deux Chimay, ça fait six ; comprendra qui pourra !), de la moutarde classique Bister, de la moutarde à l'ancienne, du thym séché, du poivre noir en grains et du gros sel.

Un plat en sauce, ça se rêve, ça s'anticipe ; vous n'aurez donc, j'en suis persuadé, aucune réticence à l'idée de débuter la préparation l'avant-veille de la dégustation. Dans le grand saladier en verre de Tata Lucienne, les morceaux de bœuf découpés grossièrement seront arrosés du contenu de l'une des deux bouteilles de Chimay ; un oignon découpé en quatre sera réparti parmi la viande, ainsi que les feuilles de laurier et les grains de poivre. Un cuillère à soupe de gros sel, et l'ensemble peut gagner le réfrigérateur pour 24 heures.

Le lendemain, le bœuf égoutté de sa marinade sera rapidement braisé à feu vif dans une cocotte, puis mis de côté. Les oignons émincés pourront alors faire leur entrée dans la cocotte dans laquelle un peu de matière grasse aura fondu au préalable ; lorsque les oignons deviendront translucides, il conviendra d'ajouter le thym et un verre d'eau pour déglacer et de brasser vigoureusement l'ensemble afin de bien décoller tous les sucs de cuisson. La viande regagnera la cocotte, et l'ensemble sera saupoudré d'une cuillère à soupe bombée de farine. Une minute plus tard, la marinade initiale et la deuxième bouteille de Chimay arroseront le contenu de la cocotte (ça mousse, ça mousse !). Enfin, avant de passer au mijotage prolongé de trois bonnes heures à feu doux, les deux tartines seront recouvertes de moutarde, classique pour l'une, à l'ancienne pour l'autre, avant d'être déposées au-dessus de la préparation ; elles se désagrègeront peu à peu et donneront du corps à la sauce.

Quant aux carottes, elles seront épluchées et découpées en rondelles pour ensuite être cuites à la vapeur (à l'aide d'une vaporette ?) et ajoutées à la préparation une heure avant la fin de la cuisson. Tata Lucienne crierait sans doute au scandale ; mais je trouve personnellement que les carottes gardent davantage de goût en les cuisant de la sorte.

Il s'agira maintenant d'attendre... Patience est mère de tous les repus, dira-t-on ! Une fois les trois heures écoulées, la cuisson devra être interrompue jusqu'au lendemain où, moyennant une heure trente de cuisson supplémentaire, vous pourrez (enfin !) passer à table et vous en payer une bonne louche, avec, par exemple, quelques pommes de terre persillées, un bon Moulin-à-vent ou une Chimay (pour Roger...).

À vous de goûter !

vendredi, avril 5

[Papilles aux aguets] Le miel en section





Non, l'apiculture n'est pas (encore ?) une nouvelle corde ajoutée à mon arc ; vous n'y êtes pas. J'oserais même dire que ce n'est pas mon rayon (je sais, ça commence fort...). La présente photo illustre une folie curieuse dont j'ai été victime hier, tandis que j'arpentais l'emplacement de plus en plus fourni consacré aux produits du terroir récemment aménagé par l'enseigne Carrefour ; cet effort en vue d'une consommation plus locale et plus sensée, mérite, par ailleurs, d'être salué.

Voilà un produit très particulier... En l'apercevant, mes premières questions ont spontanément été : « Tiens, mais comment fait-on pour récolter soi-même le miel ? » ou encore : « Les rayons sont-ils également comestibles ? ». Il est évident que je n'allais pas persister dans une telle phase de questionnement... Ainsi, bien que le prix m'ait d'emblée un peu refroidi (environ 9 euros pour une section, soit environ 350 grammes de miel), je me suis rué dard-dard sur ce coffret de plastique rigide contenant ce produit plutôt insolite...

Comme l'indiquent très bien les quelques instructions apposées sur ledit coffret, le miel se déguste sans trop d'effort à l'aide d'une petite cuillère ; il suffit simplement de gratter légèrement et d'ôter cellules et miel dans la foulée. Au goût, le miel, tout à fait correct en termes de qualité, est bien parfumé, et la cire confère une consistance particulière en bouche ; l'étiquette fait à juste titre l'analogie avec la texture d'un chewing-gum traditionnel. Ainsi, bien que tout à fait comestible, la cire des rayons pourra ou non être recrachée, selon les goûts de chacun.

Néanmoins, ce produit n'est pas comme les autres. À vrai dire, j'éprouve une certaine émotion en sachant qu'il existe et qu'il est commercialisé en grande surface. En effet, si son prix peut d'emblée paraître élevé, il convient de ne pas considérer cette marchandise comme un vulgaire pot de miel industriel bien lisse et homogène... Il s'agit là potentiellement d'une portion de rêve à faire impérativement découvrir aux plus jeunes d'entre nous. Ces derniers, en plus de se prendre, l'espace d'une dégustation, pour Winnie l'Ourson ou Maya l'Abeille, seront très certainement piqués d'intérêt par ce drôle d'aliment qu'ils n'ont pas l'habitude de consommer. Car, si pour beaucoup d'adultes, le miel n'est plus considéré que comme un sucre un peu jauni et parfumé, il doit sans doute encore exister des enfants qui s'intéressent au processus de production du miel, au cycle de vie des abeilles, à la structure d'une ruche...

Ainsi, chers parents, c'est sans aucune démagogie (car j'ai le privilège de n'avoir rien à vous vendre...) ni intention moralisatrice que je vous conseillerais ce produit. De nouveau, j'admets que le prix est assez élevé ; mais ne serait-il pas préférable, au moins une fois, de sacrifier trois produits Kinder au profit d'un aliment naturel, ludique et instructif qui, associé à la lecture d'un bon livre explicatif ou d'une simple page Internet (gratuite !), a toutes les chances de devenir un instrument pédagogique et onirique par excellence pour votre progéniture certes en appétit de découvertes, mais en perte totale de repères par notre faute et celle de nos habitudes absurdes et de notre déconsidération égoïste de tels phénomènes naturels désormais menacés, pour la plupart...

Naturellement, il s'agit d'un produit plutôt rare que vous ne trouverez pas n'importe où... Qu'à cela ne tienne, ne vaut-il pas mieux pousser la recherche un peu plus loin plutôt que de se rabattre inlassablement sur la rébarbative vache mauve dont la couleur, la forme et la qualité gustative des productions nous feraient presque penser que son état va véritablement de mal en pis ?

À vous de goûter !

mardi, avril 2

[Ce soir...] Parmentier d'agneau, lard fumé et chicons



« Encoooooooooore un parmentier ?! » Oui, mais attendez... Il y a motif ! Il y a bonne cause ! Si, comme votre humble serviteur, vous avez eu les yeux un fifrelin plus bombés que la panse (dans son état précédant ce week-end grassouillet de tradition), il doit sans doute vous rester quelques centaines de grammes de ce merveilleux gigot de sept heures, et ce malgré l'appétit démesurément lupin de vos convives... Les maigres restes de viande rôtie sont bien souvent l'occasion de cruels dilemmes : congeler le restant et risquer d'en altérer très fortement la texture et la saveur ? Conserver la viande dans son jus jusqu'à ce que vous n'ayez plus d'autre choix que de la recuire tel quel en espérant raviver la joie qui vous avait alors animée au moment de la prime dégustation (en vain, hélas...) ?

Faites le deuil de votre beau morceau de gigot tendre et fondant, car la solution est ailleurs... Refroidi et englué dans son gras et ses garnitures, votre petit reliquat de délice fait peine à voir, je vous l'accorde... Qu'à cela ne tienne, faites-vous bricoleur, restaurateur d'œuvres d'art culinaire, taxidermiste du festin !

Si vous avez procédé de manière logique lors de vos achats, vous avez certainement acheté plus de chicons qu'il n'en a fallu (cf. article précédent) ; voilà un excellent allié potentiel qui, s'il est transformé correctement, ne suggèrera absolument pas la redite. Pour rester dans le simplissime, débitez chaque pièce en carrés d'environ 1,5 cm de côté ; dans une poêle, faites sauter l'ensemble à feu vif dans un peu de matière grasse et assaisonnez de sel fin ; une fois les chicons bien cuits et tendres, ajoutez du poivre noir moulu à l'envi.

Je suppose que ce petit intermède vous aura donné le temps de songer à un sort des plus nobles pour votre gigot et que vous l'aurez, par exemple, découpé en cubes de taille moyenne, lesquels auront été poêlés à feu vif en compagnie de poitrine fumée découpée en lardons déjà bien colorés et de deux ou trois échalotes émincées ; une cuillère à café de thym séché sublimera l'ensemble, effet garanti !

Je crois que je vous ferais un affront manifeste en vous détaillant la suite... Je serai donc bref, voire télégraphique : dans un plat, versez la poêlée agneau-lard fumé, ajoutez les chicons sautés et recouvrez d'une belle couette de purée maison (c'est qu'il fait encore frisquet...), puis glissez le tout dans un four préchauffé à 180° pendant une demi-heure ; dix minutes avant de servir, passez en fonction grill pour colorer la surface de la purée. Mais oubliais-je ! Si, comme moi, vous souhaitez pousser la récup' à son paroxysme, vous pouvez songer à passer le jus de votre gigot de sept heures au chinois, à le faire réduire au moins de moitié dans un poêlon afin d'obtenir une texture consistante, puis d'en napper les deux premières couches du plat (soit juste avant la purée) - climax gustatif assuré !

Maintenant, si vous vous lassez des parmentiers, pourquoi ne pas opter pour une croquette gourmande ? La viande s'effilochera toute seule, il ne vous restera plus qu'à préparer une béchamel bien compacte et à épicer votre appareil comme bon vous semble. Avec une bonne salade bien fraîche et vinaigrée, c'est un itinéraire bis à destination d'un régal du lendemain.

À vous de goûter !

lundi, avril 1

[Ce soir...] Gigot d'agneau de sept heures pour Pâques frileuse



Nom de Dieu ! Le petit Jésus en culotte de velours ! Quoi ? Un blasphème ? Un châtiment ? Non non, pas de risque, son fils est mort, il a bien d'autres pécheurs à fouetter... Comment ? Ressuscité ?! Mince, alors, ben, euh... fêtons ça !

Le point clé de la présente préparation réside dans la patience dont il convient de faire preuve pour parvenir au produit fini, au Graal comestible. À titre d'exemple, si vous comptez passer à table vers 14 H, programmez votre réveil sur 6 H (du matin, oui oui !), car il vous faudra bien une petite heure pour émerger, sortir votre gigot du réfrigérateur (afin qu'il gagne un peu en température) et préparer matériel et ingrédients... Alors, d'attaque ? 

Le gigot : après avoir bien snacké la pièce sur toutes ses faces à l'aide d'une poêle antiadhésive et de quelques cuillères de Mycryo, placez-le dans une cocotte en fonte ; déglacez la poêle à l'aide d'un bon trait de vin rouge, grattez les sucs de cuisson et versez l'ensemble sur le gigot, ajoutez-y : un verre de bouillon de bœuf maison, quatre oignons coupés en quatre, cinq gousses d'ail non pelées, une cuillère à soupe de gros sel et une dizaine de grains de poivre noir... Fermez alors la cocotte à tout jamais (enfin, pendant sept heures, quoi...) quitte à la sceller pour la protéger des vilains méchants curieux (qui se brûleront les mains, de toute manière)... Le rideau tombera juste avant le service.

La purée de pois chiches : la veille, vous aurez fait tremper une bonne tasse de pois chiches (environ 150 grammes pour trois personnes) dans de l'eau froide ; le jour J, débarrassez les pois chiches de leur eau et lancez-en la cuisson dans cinq fois leur volume d'eau pendant au moins deux heures. Au terme de la cuisson, égouttez-les en conservant une petite tasse d'eau de cuisson. Dans le bol d'un mixer, versez les pois chiches, la tasse d'eau, un peu de gros sel, une cuillère à café de cumin et une cuillère à soupe d'huile de sésame ; mixez le tout et ajoutez éventuellement eau et/ou épices pour parvenir à la texture et à la saveur qui vous conviennent (attention, la purée doit être suffisamment compacte pour pouvoir confectionner des quenelles)

La pomme darphin : environ vingt minutes avant le service, rappez quelques pommes de terre à chair ferme et assaisonnez-les de sel fin et de poivre blanc ; dans une poêle antiadhésive, faites fondre une cuillère à soupe de graisse d'oie, puis versez-y l'ensemble des pommes de terre. Tassez bien le tout avec une cuillère et laissez cuire une dizaine de minutes. Quand l'ensemble se détache aisément de la poêle, retournez (moment très délicat...) rapidement la galette ainsi formée afin d'en faire cuire l'autre face.

Le chicon braisé orange-muscade : après avoir enlevé pas mal de feuilles (que vous garderez pour une salade fraîche ou un potage) pour n'en conserver que le cœur, faites braiser les chicons dans un peu de matière grasse à feu moyen ; quand la coloration se précise, versez le jus d'une demi orange ajoutez la noix de muscade moulue ou rappée et couvrez ; quand les chicons semblent bien tendres, ôtez le couvercle pour que l'ensemble caramélise.

J'ai, pour ma part, choisi d'associer ce petit plat de fin d'hiver (???) à un Haut-Médoc arrivé à maturité (première bouteille à sortir par la grande porte de ma modeste cave personnelle ; émotion !) ; le mariage était sympathique, mais une syrah bien robuste conviendrait tout aussi bien.

Bien, vous avez maintenant les pièces, je vous laisse le puzzle ! Et ne pensez pas trop à cette période particulière, à ces solennités qui ne font, en fin de compte, rien d'autre qu'intimider les foules... Chaussez donc votre tablier et faites-vous plaisir !

À vous de goûter !