jeudi, mai 30

[Carne, assez] Demi-courge Butternut rôtie au four



Voilà un vrai petit délice qui fera office de trêve tranquille entre deux de nos chers menus surprotéinés usuels, vous dis-je, moi qui broie de mes molaires asservies et sans trop de distinction morale carottes crues et crevettes grillées. Car, non, je ne compte pas aujourd'hui faire l'apologie aveugle du végétarisme, pratique alimentaire tout à fait honorable et justifiable en soi, si elle n'était pas honteusement galvaudée par une tripotée joyeuse de crétins néoténiques, lesquels, en souffrance d'une pensée pertinente et d'un recul élémentaire, cultivent, colportent et imposent ce qui s'est bien malheureusement assez vite mué en une mouvance adulescente bobotifiée...

Dieu me chipote, je le répète : le végétarisme mérite tout mon meilleur respect d'omnivore. Il n'est d'ailleurs pas impossible, si je n'étais pas pourtouré et ceinturé d'arbitraires et indélicats carnivores, que je verse, moi-même, ad vitam et igname, dans la consommation ultra-diversifiée de végétaux, sources plurielles d'innombrables sels minéraux et nutriments divers et variés. Mais ne venons pas à mélanger hygiène de vie et effet de mode éphémère. Le végétarisme n'est pas la panacée, assez donc de zèle imbécile et linéaire. N'allons pas faire porter aux légumes toute la responsabilité de nos pesantes claudications existentielles.

Dans cette optique, je serais prêt à parier de la main gauche coupée, en mettant la droite au feu, que nombre d'herbivores issus des classes moyennes se prélassent dans leur sédentarité démusculante en brandissant les éthérées vertus de leur ars vivendi d'emprunt. Or, s'il est vrai que le piéton tiendrait aujourd'hui plutôt de l'espèce marginale indéfinie, perdue entre l'homme à abattre et le taxon à choyer, il est indéniable que les plaisirs de la marche sont et demeurent le meilleur moyen d'entretenir à peu de frais tout le bastringue éprouvé par l'inactivité, tout comme de disperser aux quatre vents les effluves d'une pseudo-réfléxion engourdissante bête à faire du foin ou à manger de la paille de fer, qui porterait peut-être le seul mérite de tenir chaud l'hiver.

Un préambule kilométriquement et densément rasoir, certes ; j'avoue d'ailleurs vous l'infliger par pur égoïsme méprisable, tandis que je recherche des moyens divers et variés de me distraire pendant la longue cuisson du légume mis en lumière ce soir. Car, oui, s'il fallait trouver une difficulté à la préparation du jour, il pourrait bien s'agir du sang froid dont le mangeur à la fourchette érigée devra faire preuve pendant deux bonnes heures...

À part ça ? Rien du tout, de la cuisine de bac à sable : un bon four fidèle qui peut tenir à 150° sur la durée sans risquer la crampe, trois cuillères à soupe d'un mélange huile d'olive-sirop d'érable (comptez 1/3 - 2/3), quelques rameaux de thym frais, du piment d'Espelette moulu et de la fleur de sel. Une vraie recette d'épicurien pantouflard engourdi d'heures de bureau. Il s'agit simplement de badigeonner la chair de la demi-courge Butternut (égrainée mais non épluchée) du mélange huile-sirop, de déposer les quelques rameaux de thym frais et de terminer avec le piment et le sel.

Vous en obtiendrez in fine quelque chose de tendre, de goûteux, de doux et de savoureux qui se mange à la cuillère. En bref, pas de quoi chatter un fouet (ça ne veut rien dire, je sais ; mais je ne tenais pas à perdre les quelques bienheureux technologiférés de mon désormais clairsemé lectorat), pas de quoi décharner un lobby ni même réguler le niveau à bulle de la prudhommie alimentaire ; mais juste un légume d'hiver patient et docile qui accepte de rendre l'âme sur le tard, de manière bien généreuse et délicate. Vaille que vaille, simplicité extrême et saveurs naturelles associées viendront remettre les pendules à l'heure en marge des crédules à leurres.

Aussi, mangez rouge passion, vert espoir, rose andouillette ou jaune cocu ; peu importe, pour autant que vous évitiez le gris cacochyme. C'est déjà passé de mode.

À vous de goûter !

P.-S. « L'enfer c'est les hôtes » (in L'Exterminationisme pour les Nuls), avait proféré un jour un jeune philosophe fringant et clairvoyant du nom de Jean Seul-Piètre ; c'est donc en vertu de cet axiome millénaire que vous pourrez déguster seul et sans altruisme aucun votre cucurbitacée rien qu'à vous.

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