samedi, janvier 18

[Ce soir...] Filet de bar cuit sur peau, purée de persil tubéreux à l'huile de noisette et petit jus tomaté « rien ne se perd »




Qui n'a pas, un jour ou l'autre, après avoir saliveusement scruté l'assiette du voisin sur laquelle s'étendaient avec assez bien de superbe et de grâce grasse et gracile quelques sections carnées bien lustrées et saucées ; qui n'a donc jamais, dis-je, été déçu de son propre choix délibéré portant sur l'un ou l'autre délicat produit de nos mers ou de nos rivières, pourtant tout aussi prometteur sur papier... Vous voulez des coupables ? Vilipendez donc les vilains accompagnements standard.

La patate vapeur et l'endive étuvée, certes, ça cultive un temps le charme de l'épure, du délicat, du sain ; mais le goût traîne l'arête ; et le gras de l'entrecôte limitrophe de ricaner de plus belle... Alors lançons-nous, car, à moins de choisir le poisson le plus blanc et le plus délicat qui soit, il n'est pas défendu de viser des acolytes plus musclés qui pourront faire d'un plat dit « de santé », un mets gourmandissime avant tout.

Dans le monde merveilleux des légumes racines vit un végétal aux teintes beiges discrètes, à la forme conique très semblable au panais et aux nervures bien marquées de la carotte commune : le persil tubéreux. Cet aliment à la chair ferme et blanche, quoique peu attractif à l’œil, se muera en une base des plus consistantes et des plus parfumées si, après l'avoir épluché, découpé en morceaux de taille moyenne et cuit à la vapeur, de l'huile de l'olive, un trait d'huile de noisette, une larme de vinaigre blanc, du sel et du poivre blanc lui sont ajoutés, avant que l'ensemble puisse être réduit en purée et homogénéisé grâce à la déesse moulinette.

Cette cuisson à la vapeur nous laissera plus que largement le temps de taillader menu notre petite victime à branchies afin d'en lever les filets. Outre le bonheur associé au « do-it-yourself » (tellement en vogue que presque irritant), la véritable plus-value sera résolument matérielle. Comment ? Vous ne comptiez quand même pas jeter cette tête et ces arêtes archibourrées de saveurs en devenir ?! Ces « déchets » (des doubles guillemets seraient presque nécessaires) seront la base même de la saveur la plus prononcée du plat : le sacrosaint jus.

L'opération n'a vraiment rien de redoutable, qui plus est. On découpe le tout grossièrement, on faire suer une garniture à base d'échalote hachée et de carotte émincée, on ajoute les parures du bar, on laisse suer de nouveau, on déglace au tamari (sauce 100 % soja, pour rappel), on ajoute un peu d'eau sans couvrir tout à fait les éléments, on laisse infuser à couvert, on filtre, on fait réduire, quelques larmichettes de coulis de tomate et un trait de crème pour adoucir au besoin, du sel, du poivre noir du moulin, et on obtient un jus bien corsé et parfumé à côté duquel un onglet à l'échalote même balèze ferait pure figuration ridicule.

L'assiette terminée, saucée, pourléchée, il nous vient alors ce sentiment de réconfort, de bien-être et de pitance bien menée que l'on ressent, hélas, bien trop rarement avec ces produits nobles à écailles.

À vous de goûter !


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